Par Tabassum Siddiqui
Lorsqu’Emily Stephenson poursuivait ses études en communications à l’Université d’Auburn, en Alabama, l’idée de se lancer dans l’industrie musicale ne l’effleurait même pas. « Je ne comprenais pas vraiment l’armada de professionnels nécessaires pour soutenir l’industrie musicale — les amateurs de musique ne pensent pas toujours à l’infrastructure réelle autour de ce qu’ils consomment », explique Mme Stephenson, aujourd’hui présidente de l’édition à Downtown Music, une entreprise musicale mondiale (siège social à New York) qui compte plus de 500 employés.
« Mais je devais faire un stage, alors j’ai décidé de rentrer à Nashville et j’ai fini par travailler dans une petite société de gérance d’artistes, où j’ai pu me familiariser avec tout, de la création d’un nouveau disque à l’édition et au côté label. En un sens, c’était comme un retour aux sources — j’adore la composition et la chanson. » Bien qu’elle reconnaisse qu’elle n’est pas particulièrement musicienne elle-même — malgré les nombreuses leçons de piano et de guitare prises au fil des ans, plaisante-t-elle —, le fait de grandir à Nashville lui a permis d’être aux premières loges pour découvrir de grands auteurs-compositeurs et autrices-compositrices.
« Mon premier contact avec la musique a vraiment eu une incidence sur ma compréhension de l’écriture de chansons et des auteurs-compositeurs et autrices-compositrices, précise-t-elle. J’aimais la musique country parce qu’elle racontait des histoires, parce qu’elle évoquait la nostalgie, l’émotion et l’excitation. Et c’est ainsi que mon amour de la musique a commencé. »
Lorsque le moment est venu de se lancer dans sa carrière professionnelle, Mme Stephenson a donc décidé de travailler pour une petite société d’édition musicale à Nashville, l’une des premières maisons d’édition indépendantes à entretenir des affiliations directes avec des agences d’édition internationales. Cette possibilité de travailler en étroite collaboration avec des membres de la communauté mondiale de l’édition — sans compter une touche d’audace — l’a aidée à décrocher un poste à Downtown.
Après avoir trouvé Downtown en ligne, Mme Stephenson a envoyé à tout hasard un message au fondateur Justin Kalifowitz, l’invitant à prendre un café à Nashville. Il a répondu en disant qu’il y passerait quelques semaines plus tard. Après s’être rencontrés, tous deux sont restés en contact pendant l’année suivante, jusqu’à ce qu’il lui offre un emploi dans la société en 2012. « J’ai l’impression de rabâcher cette histoire — mais c’est en même temps troublant, parce que cela signifie que je devrais vraiment répondre aux courriels non sollicités et aux messages LinkedIn, parce qu’ils pourraient provenir du prochain président de Downtown ! dit-elle en riant. Je ne sais pas si Justin répondait à tous ses courriels ou si c’était une exception — mais cela a eu une incidence déterminante sur le cours de ma vie. Je suis très reconnaissante de ce qu’il a fait. »
Au cours des 12 dernières années, Emily Stephenson a gravi les échelons de Downtown Music, où elle a occupé le poste de vice-présidente des opérations commerciales avant d’être promue présidente de l’édition pour toute la société l’année dernière. Elle supervise désormais toutes les activités d’édition, y compris le développement de la clientèle et des affaires, la direction artistique (A&R), la gestion des droits et les services à la clientèle pour les sociétés d’édition du groupe — Downtown Music Publishing, Songtrust et Sheer. Les services administratifs de l’édition de Downtown dénombrent actuellement près de 2 millions d’auteurs-compositeurs et autrices-compositrices et plus de 1,5 million de droits d’auteur sous gestion, avec des clients tels que Ryan Tedder, Big Yellow Dog et la succession de John Lennon.
« J’estime que mon rôle est partagé entre l’interne et l’externe — à l’interne, j’ai l’impression d’être là pour soutenir nos équipes et m’assurer que tout le monde travaille en harmonie et dispose de toutes les ressources nécessaires pour que les équipes soient aussi performantes que possible, explique Mme Stephenson. Ensuite, à l’externe, il s’agit de soutenir nos clients et clientes, le catalogue de titres que nous représentons et de veiller à ce que tout se passe bien. Je travaille en étroite collaboration avec les présidents de nos autres sociétés pour m’assurer que notre vision de la musique reste cohérente, et non seulement au sein de notre propre division. »
Depuis qu’elle est devenue présidente, Stephenson a supervisé la signature de contrats importants chez Downtown, notamment avec Laurie Anderson, une grande personnalité de l’art et du rock, et avec The National, un groupe vétéran de l’indie-rock. Sous son mandat, Songtrust, la plus vaste plateforme mondiale de collecte de droits d’auteur, a mis en place des mesures de confiance et de sécurité, qui sont maintenant reproduites dans toute l’industrie de l’édition musicale : « Nous voulons donner aux détenteurs de droits, aux créateurs et créatrices, aux artistes ainsi qu’aux auteurs-compositeurs et autrices-compositrices les moyens de posséder leurs propres droits d’auteur sur ce qu’ils font et créent, et leur permettre également d’accéder à des services professionnalisés sans avoir à renoncer à ce qui leur appartient, de préciser Mme Stephenson. Nous avons vraiment atteint notre vitesse de croisière et nous mettons en œuvre certains des grands objectifs que nous nous sommes fixés il y a plusieurs années. »
Fondée à l’origine en tant que société d’édition musicale en 2007, à une époque où l’industrie musicale était encore en pleine transition vers le streaming, Downtown s’est réinventée comme un modèle de service complet qui tire parti de la technologie pour soutenir les créateurs et créatrices, et les aider à être rémunérés équitablement pour leur travail. Mais si la technologie a contribué à orienter le succès de Downtown, le fait qu’elle soit en constante évolution signifie que c’est également notre plus grand défi, de rappeler Mme Stephenson.
« Je trouve que nous avons fait du bon travail au fil des ans en adoptant les nouvelles technologies, et nous utilisons l’IA et d’autres outils dans les domaines susceptibles de générer des revenus pour notre clientèle, qu’il s’agisse de suivi des revenus ou de prévisions. Nous examinons toujours comment nous pouvons collecter de l’argent plus rapidement pour nos clients, leur fournir plus de données et de détails, ajoute la présidente. Être une entreprise de services, ça veut dire qu’il faut être proactif dans l’industrie pour l’ensemble de nos clients — et ne pas lutter contre le changement, mais y être préparé. »
Représentant aujourd’hui plus de 20 millions de titres dans plus de 145 pays, Downtown travaille avec des millions de créateurs, créatrices et détenteurs de droits — et avec des agences internationales de droits, dont la CMRRA. « Nous avons passé beaucoup de temps avec la CMRRA au cours des deux dernières années pour nous assurer de réclamer les parts de propriétés que nous devrions réclamer, explique Stephenson. Nous avons obtenu beaucoup de succès en travaillant ensemble. Nous avons donné la priorité à la revendication de tout notre catalogue qui figure dans la liste non réclamée de la CMRRA, et sa collaboration avec SoundExchange pour découvrir l’ISRC (code national normalisé d’enregistrement) et enrichir les données des catalogues s’avère des plus intéressante. »
« Je pense que la CMRRA est particulièrement bien placée pour faire cela dans l’industrie : je ne sais pas s’il existe un autre groupe qui possède des données aussi solides à la fois sur les enregistrements et les éditions, ajoute-t-elle. Parce que nous sommes un éditeur à plus gros volume, nous voulons nous assurer que tous nos partenaires savent exactement comment nous vérifions les données qui nous sont transmises, et nous savons que nous pouvons faciliter grandement le travail de nos sociétés partenaires lorsqu’elles n’ont pas à fusionner des doublons et à trier de nombreuses versions différentes de l’enregistrement d’une œuvre. »
Travailler avec des collègues éditeurs au nord de la frontière rappelle également à Emily Stephenson ce qui l’a amenée à travailler dans le secteur de la musique au départ : « Je sais que le Canada possède une communauté et un noyau d’auteurs-compositeurs et d’autrices-compositrices de musique country remarquable, et, comme j’ai grandi à Nashville au beau milieu de ce genre, c’est vraiment génial d’en être témoin, s’enthousiasme-t-elle. Je ne connais aucun autre pays où le marché de la musique country est aussi bien ancré qu’au Canada — c’est quelque chose qui m’a toujours fascinée. »
Alors que Mme Stephenson continue de s’appuyer sur le succès mondial de Downtown, la clé de son leadership est de s’assurer que l’équipe et les clients qu’elle représente comprennent parfaitement les rouages de l’édition musicale : « Ce qui a été important pour nous ces dernières années, c’est de nous assurer que le bras gauche parle au bras droit. S’assurer que nous disposons de divers moyens pour permettre aux gens de bien se renseigner est devenu une priorité pour nous, sans compter la bonne communication et collaboration entre les services. »
« Du côté de Songtrust, nous travaillons beaucoup avec les artistes en début de carrière, et nous avons pas mal de matériel pédagogique en ligne, y compris des webinaires et un document, Publishing 101. C’est une activité vraiment compliquée, et la décomposer d’une manière simple, mais pas trompeuse, peut aider les auteurs-compositeurs et autrices-compositrices à comprendre comment interagir avec l’édition. »
Mme Stephenson est optimiste quant à l’avenir de Downtown comme à celui du secteur de l’édition musicale dans son ensemble, malgré les nombreux soubresauts auxquels l’industrie de la musique est confrontée : « J’ai l’impression que nous sommes sur une lancée en ce moment : nous continuons à investir beaucoup dans notre travail sur les données pour générer des revenus supplémentaires et pour qu’elles soient le baromètre de notre catalogue et nous indiquent les domaines sur lesquels nous devrions nous concentrer. »
« Je suis convaincue que nous sommes le bon endroit pour quiconque recherche une solution d’administration d’édition, quels que soient la taille du catalogue ou les services recherchés. Il y a, je l’espère, beaucoup de nouveaux contrats passionnants à venir, qui s’ajouteront à notre impressionnante liste actuelle. » Emily Stephenson se dit constamment inspirée par l’envergure de Downtown Music Publishing, qui offre des services à plus de 360 000 auteurs-compositeurs et autrices-compositrices, en plus de gérer près de 5 millions de droits d’auteur à l’échelle mondiale. Bien qu’il soit impossible de nommer un créateur ou un catalogue en particulier, une artiste lui vient immédiatement en tête lorsqu’on lui demande quels sont les points forts de la liste.
« Nous avons mis sous contrat Colbie Caillat l’année dernière, et c’était personnellement très enthousiasmant, car je suis une de ses ferventes admiratrices. J’ai eu le loisir de passer du temps avec elle et je lui ai même dit qu’une de ses chansons était ma “sonnerie” au secondaire, ajoute-t-elle en riant. Le fait qu’elle s’engage avec une maison d’édition que je dirige me fait l’effet d’une secousse sismique. Je suis submergée par la gratitude de pouvoir faire ce que je fais, et ce, avec un talent aussi incroyable. »
Pour en savoir plus sur Downtown Music Holdings, visitez le site www.downtownmusic.com.