par Isabelle Speerin
C’est une autre semaine mouvementée pour Sandy Pandya, gérante d’artistes. Cette fois, elle a le vent en poupe après avoir remporté trois prix à la Semaine de la musique canadienne, dont l’un souligne le travail de développement communautaire, de mentorat et de promotion du bien-être qu’elle accomplit dans toute l’industrie, une vocation qui lui tient à cœur.
Sandy Pandya est l’une des rares femmes de couleur de l’industrie canadienne de la musique à posséder sa propre société. Elle admet ouvertement que le chemin a été long, mais son esprit d’entreprise, son dynamisme et sa capacité à traiter tout le monde comme des membres de la famille restent la clé de son succès. Originaire de Kisumu, troisième ville du Kenya, Pandya a vécu en Afrique jusqu’à ce qu’elle débarque en Saskatchewan à l’âge de 10 ans, avec à peine plus que les vêtements qu’elle portait sur le dos. Sa famille a souvent déménagé, et, pendant un moment, son père possédait l’un des premiers restaurants indiens d’Edmonton. Après l’école secondaire, Pandya a vécu et travaillé dans un foyer de groupe pour enfants pris en charge dans le cadre du système de protection de l’enfance en Saskatchewan. « L’entente prévoyait entre autres que mes premières années d’université seraient payées », précise-t-elle.
Elle aime les enfants, mais l’intensité du travail avec les jeunes en difficulté, en plus de ses études en psychologie, finit par avoir raison d’elle. Elle doit trouver un autre moyen de soutenir financièrement ses études universitaires. Inspirées par les cafés européens, Mme Pandya et sa sœur lancent un café polyvalent à Regina, proposant des expositions d’art, des lectures de poésie et des groupes locaux : « Chaque spectacle affichait complet parce que les gens faisaient confiance à la musique — à l’affût de la prochaine nouveauté. »
Les groupes locaux deviennent des groupes internationaux et Mme Pandya ne tarde pas à déménager à Vancouver pour y travailler avec les gérants de musique Allen Moy et Keith Porteous, puis à Toronto en tant que secrétaire d’Al Mair chez Attic Records, l’une des maisons de disques indépendantes les plus prospères du Canada à l’époque. Elle occupe ensuite un poste de marketing à BMG et travaille pendant trois ans pour l’agence de booking Celebrity Talent International, avant de s’associer à un vétéran de l’industrie musicale, le regretté Skinny Tenn, pour créer une agence de gérance d’artistes au milieu des années 1990. « J’ai fini par rentrer chez moi un Noël à Regina où je suis allée entendre un groupe qui s’appelait les Waltons et j’ai su tout de suite que je devais les prendre sous mon aile, dit-elle. Mes deux premiers groupes ont donc été les Waltons et Lowest of the Low. »
Lorsque Sandy Pandya se met à son compte au début des années 2000, Tenn et elle séparent à l’amiable leur liste d’artistes, qui comprend Tegan and Sara, Hawksley Workman, The Cash Brothers et Hayden. Elle ajoute ensuite les autrices-compositrices-interprètes Jully Black et Serena Ryder. Vingt ans plus tard, elle dirige ArtHaus en partenariat avec Serena Ryder, lauréate d’un prix JUNO à sept reprises. ArtHaus se distingue en privilégiant la communauté.
« La meilleure chose qui nous soit arrivée pendant la pandémie, c’est qu’elle nous a donné le temps de rêver, explique-t-elle. Et c’est à ce moment-là que nous avons vraiment construit ce qui est aujourd’hui ArtHaus Media. D’un côté, il y a la gérance d’artistes, un label, une maison d’édition et un studio d’enregistrement. De l’autre côté, il y a ArtHaus Community, à but non lucratif, qui offre un soutien holistique à des centaines d’artistes et d’entrepreneurs émergents grâce à des programmes de mentorat expérientiel, d’initiatives de bien-être mental ainsi que d’un espace de vie polyvalent, à la fois pour le travail et pour des événements. »
L’offre de services de la CMRRA est devenue encore plus déterminante pour Mme Pandya depuis qu’elle s’est immiscée dans l’univers de l’édition. « Je me remets à niveau sur l’édition chaque année parce que cela peut être tellement complexe, reconnaît-elle. Ce que j’aime vraiment, c’est que la CMRRA en comprend tous les rouages et que n’importe qui peut nous donner des informations pertinentes en un seul coup de fil. »
La liste des clients actuels de Pandya comprend Adria Kain, Blair Lee, TALK, Nicolette & the Nobodies et Paesler. L’auteur-compositeur-interprète TALK remporte le titre d’artiste ou auteur-compositeur de synchro de l’année aux Canadian Sync Awards en 2024, au cours de la première année d’existence d’ArtHaus Publishing.
Pandya raconte qu’elle est souvent approchée par des artistes émergents à la recherche d’un gérant établi et bien branché, malgré le fait que des amis leur proposent leur aide. « Mon rêve est de publier un livre intitulé Mon pote veut devenir mon gérant, s’esclaffe-t-elle. Si un ami veut le faire, il faut laisser cette personne grandir avec toi — c’est comme ça que j’ai commencé. » Elle souligne que la charge qui pèse sur les artistes de nos jours est lourde : « J’ai vraiment de la peine pour eux. Devoir accorder la priorité aux médias sociaux en même temps qu’à l’écriture de chansons et à la production est un travail à plein temps, alors laisse tes amis t’aider à produire ton contenu. »
Le conseil qu’elle donne à ceux et celles qui souhaitent faire carrière dans l’industrie de la musique est de se rapprocher des associations professionnelles, comme les Éditeurs de musique au Canada (EMC), Music Managers Forum Canada (MMF Canada) et l’Association canadienne de la musique indépendante (CIMA), et d’assister à des ateliers et à des événements. « Il est important d’être dans le coup, de sortir et de profiter de ce qui est offert, affirme-t-elle. La plupart de ces événements ont un coût d’inscription minime ou sont gratuits. »
Actuellement, ArtHaus Community, en partenariat avec la Ville de Toronto, organise l’événement On The Fly @ YTZ, qui permet à des artistes émergents de se produire à l’aéroport Billy Bishop pendant cinq semaines dans le cadre d’une programmation qui s’étale sur toute l’année.
Cet été, des artistes émergents ou établis de partout au Canada ont pu déposer une demande pour du temps de studio d’enregistrement gratuit grâce au programme On The Haus, une initiative en partenariat avec Kinaxis, qui en est à sa deuxième année et qui est rendue possible par leur entreprise commune, The Catapult Collaboration.
Pandya siège actuellement aux conseils d’administration de la CIMA et de FACTOR, et a reçu le prix de l’industrie Brian Chater de MMF Canada en 2018 ainsi que le Honour Roll Award en 2019 pour ses contributions à l’industrie musicale. En 2023, elle remporte le tout premier prix Trailblazer de Women in Music Canada (WIMC).
Pour en savoir plus sur ArtHaus Community, visitez le site www.arthausmusic.com.