Par Isabelle Speerin
Violoncelliste polyvalente qui s’est produite sur plus de 60 scènes partout dans le monde, Blanche Israël, qui vient de prendre les rênes de la East Coast Music Association (ECMA), est prête à mener la scène musicale de l’Atlantique vers une nouvelle étape. Blanche Israël est une stratège culturelle maroco-canadienne francophone et multilingue qui, en 2019, a élu domicile à Dartmouth, en Nouvelle-Écosse. Elle a commencé à jouer du violoncelle durant son enfance à Montréal, a poursuivi des études en interprétation musicale et a finalement obtenu un diplôme en gestion des arts de l’Université de Toronto.
Son diplôme en poche, elle travaille pour la Canadian Opera Company et, par la suite, pour l’Orchestre national des jeunes du Canada dans le cadre des célébrations de l’année Canada 150. C’est ainsi qu’elle participe à la mise sur pied d’une tournée de spectacles dans 12 villes canadiennes, parcourant 13 221 kilomètres avec une équipe de 150 personnes et 100 instruments.
« Travailler avec les musiciens et musiciennes de l’orchestre pour contribuer à développer leur propre reconnaissance territoriale des lieux que nous visitions a été un moment fort de ma carrière dont je suis vraiment fière », mentionne-t-elle.
Mme Israël s’établit en Allemagne en 2017, où elle peut reprendre son souffle en investissant son temps dans la rédaction de demandes de subventions pour les artistes et les organismes canadiens en tant que consultante indépendante. Elle connaît un succès incroyable et génère plus de 10 millions de dollars en revenus publics et privés tout en soutenant plus de 50 artistes et organismes de partout et de toutes les disciplines. En 2018, Jeremy Dutcher, ethnomusicologue, compositeur et militant autochtone canadien, l’invite à devenir sa violoncelliste pour une tournée mondiale.
« J’ai tout de suite senti que la musique de Jeremy avait quelque chose de vraiment spécial, affirme-t-elle. Et juste avant mon deuxième concert avec lui, il a remporté le prix Polaris 2018. »
Mme Israël se produit avec Dutcher jusqu’à ce que la pandémie mette fin à la tournée en Australie. Elle rentre au Canada peu de temps après et donne naissance à sa fille, Sultana. Bien qu’elle joue encore occasionnellement du violoncelle avec Dutcher, elle s’est éloignée du travail de tournée et de pigiste depuis qu’elle est devenue mère.
« Même si beaucoup de gens me connaissent en tant que violoncelliste parce que c’est une activité publique, j’ai en fait consacré plus de temps dans le domaine de la gestion artistique qu’à mon art de musicienne professionnelle », fait-elle remarquer.
Forte de ses années d’expérience dans la gestion de sa propre entreprise, Mme Israël s’est sentie prête à assumer un rôle de leadership davantage ancré dans la collectivité après la pandémie. Elle a joint les rangs de l’ECMA en tant que nouvelle directrice générale en mars, quelques mois avant la semaine de remise de prix, de festival et de conférence de l’industrie qui se déroule à Charlottetown.
« Peut-être suis-je une incorrigible optimiste, mais je pense que c’est le moment idéal pour monter à bord, dit-elle. Il faut que j’en fasse l’expérience pour pouvoir y mettre ma propre touche et ma manière à moi de voir les choses. »
Sous la direction de Blanche Israël, l’ECMA devrait s’engager sur la voie d’une croissance et d’une innovation très stimulantes, renforçant ainsi sa position sur la scène musicale du Canada atlantique. Pour l’heure, la priorité est de nouer des liens avec les 1 000 membres et plus de l’ECMA, parmi lesquels des auteurs-compositeurs, autrices-compositrices, musiciens, musiciennes, artistes, agents, agentes, managers, éditeurs de musique, maisons de disques, studios et membres des médias.
« Je tends la main aux musiciens, musiciennes, auteurs-compositeurs et autrices-compositrices autant que possible, dit-elle. Parce qu’en fin de compte nous sommes une association de membres, même si nous avons parfois l’air d’être un organisme qui seulement remet des prix. »
Mme Israël cite plusieurs livres qui l’ont aidée à s’orienter dans l’industrie de la musique et qui ont orienté sa trajectoire jusqu’à la direction de l’une des associations musicales les mieux établies du Canada. « Sur la côte Atlantique, beaucoup de musiciennes et musiciens sont devenus des entreprises par la force des choses, et non parce que ces gens-là le veulent, ce qu’ils n’admettent pas forcément », souligne-t-elle.
Parmi les livres qui l’ont influencée, elle mentionne Profit First de Mike Michalowicz. « Il s’agit d’une philosophie de planification financière qui vous aide à ne plus penser qu’en obtenant une subvention de plus ou en vendant plus de billets, vous deviendrez riche et que vous pourrez vous concentrer sur votre art, explique-t-elle. L’auteur suggère plutôt de mettre de côté une partie de chaque dollar qui arrive dans votre entreprise, et j’ai fait mienne cette philosophie de manière à ce que ce soit le but d’abord, plutôt que le profit d’abord. »
Selon Mme Israël, il est important que les auteurs-compositeurs, autrices-compositrices, musiciens et musiciennes réfléchissent à comment exploiter leur entreprise de manière durable afin d’éviter l’épuisement. Des organismes comme la CMRRA jouent également un rôle essentiel dans l’écosystème musical en apportant un soutien aux auteurs-compositeurs, autrices-compositrices et éditeurs de musique.
« En ce moment, nous sommes vulnérables en tant qu’industrie, reconnaît-elle. Et comme le reste du monde, la côte Atlantique est confrontée à l’augmentation des coûts et des modes de consommation de la musique. »
Lorsqu’on lui demande de parler de certains des autres défis auxquels l’industrie de la musique est confrontée, Israël évoque l’IA et l’apprentissage automatique : « Je pense que l’apprentissage automatique va faire de la créativité l’un des éléments les plus importants, sinon le seul, qui nous différencie des ordinateurs. »
Ancienne membre du conseil d’administration de Music Nova Scotia, Mme Israël a sillonné le pays pour donner des conférences et des ateliers sur les subventions gouvernementales et le financement à de nombreux organismes professionnels. Lorsqu’elle n’est pas à son bureau, on peut la trouver en train de feuilleter des livres à la bibliothèque locale, d’emmener sa fille au parc et de jouer du violoncelle pour des groupes locaux (si on le lui demande gentiment).
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