Mark Jowett, membre du Comité d’éditeurs canadiens (CEC) et cofondateur de Nettwerk Music Group, résume en un seul mot ce qu’il ressent quand il pense à son parcours professionnel : la gratitude.
Fort d’un partenariat d’affaires sain et prospère, Mark a collaboré avec certains des auteurs-compositeurs, interprètes et producteurs les plus talentueux du monde.
« Je me trouve vraiment chanceux, dit-il. Je crois sincèrement que je n’aurais pas pu choisir une carrière plus excitante. »
À l’âge de 10 ans, Mark quitte l’Afrique du Sud pour aller vivre à Vancouver. Il y étudie le théâtre et l’écriture créative à l’Université de la Colombie-Britannique. Au début des années 1980, Mark se joint au groupe électronique Moev comme guitariste.
« Je jouais beaucoup de musique à l’époque. J’habitais dans une galerie d’art et je menais une vie de fou, se rappelle-t-il. Je me sentais comme un étranger sur le campus, avec mes cheveux teints et mon grand imperméable. »
Moev finit par signer un contrat avec la maison de disques Go! Records, à San Francisco, et Mark et ses collègues y déménagent pour enregistrer et lancer l’album Zimmerkampf.
De mauvaises ventes entraînent la faillite de Go! Records, et le groupe se retrouve sans éditeur. Mark retourne alors au Canada, bien décidé à trouver un moyen d’éditer leur musique avec Terry McBride, le manager du groupe.
« Nous sommes revenus et avons contracté un prêt bancaire de 5 000 $ pour fonder Nettwerk et publier notre nouvel album, raconte-t-il. C’est durant cette époque que nous avons découvert Skinny Puppy et The Grapes of Wrath, et que nous avons décidé de les éditer également. »
C’était en 1984. Trente-trois ans plus tard, Mark et ses cofondateurs — Terry McBride, Ric Arboit et Dan Fraser — poursuivent l’un des partenariats d’affaires les plus durables et les plus enviés de l’industrie de la musique au Canada.
« On se dispute parfois, on rit beaucoup, mais, dans l’ensemble, notre relation est saine et vibrante, et nous aide à maintenir le cap, confie-t-il. C’est un véritable plaisir de travailler dans cette ambiance. »
Nettwerk se spécialise d’abord dans la musique électronique, puis devient un acteur incontournable de la pop et du rock à la fin des années 1980 et au cours des années1990 en signant des contrats avec Coldplay, Sarah McLachlan, Dido et Barenaked Ladies.
L’entreprise commence à éditer les spectacles des artistes qu’ils ont pris sous contrat.
« Nous ne savions pas vraiment si ce créneau serait avantageux, mais il a fini par prendre beaucoup d’importance, reconnaît Mark. Au fur et à mesure que nos spectacles commençaient à susciter de l’intérêt à l’étranger, nous avons fait jouer nos relations de sous-édition pour les exporter vers d’autres marchés. »
Nettwerk commence à prendre sous contrat de nouveaux auteurs-compositeurs et consacre des décennies à bâtir un impressionnant empire de l’édition, comptant plus de 30 000 droits d’auteur, dont l’ensemble du catalogue des bandes-son de jeux vidéo d’Electronic Arts.
À l’été 2016, l’entreprise surprend tout le monde en vendant 80 % de son catalogue à Kobalt.
« Plus notre entreprise grandissait, plus nous sentions que nos relations avec nos auteurs-compositeurs en pâtissaient; c’est pourquoi nous avons décidé de vendre une partie de notre catalogue et de réinvestir cet argent dans de nouveaux auteurs-compositeurs et interprètes, avec le souci de leur offrir un excellent service. »
Aujourd’hui, Nettwerk est toujours très actif dans le domaine de l’édition, ajoutant chaque année à son catalogue de trois à quatre interprètes et auteurs-compositeurs ou éditeurs et auteurs-compositeurs provenant du monde entier, y compris des États‑Unis, d’Australie et d’Europe.
« Dans une large mesure, nous avons toujours essayé de mettre sous contrat des auteurs-compositeurs canadiens, mais notre approche est plutôt « agnostique » : nous proposons nos services aux artistes de partout si nous croyons pouvoir mousser leur carrière et contribuer à leur réussite », dit-il.
L’organisation de rencontres de coécriture est l’une des aspects préférés du travail de Mark.
« C’est génial de créer les conditions idéales pour ces rencontres : les auteurs-compositeurs y composent parfois des chansons qui lancent leur carrière. J’adore ça ! »
Mark siège au conseil d’administration de l’Association canadienne des éditeurs de musique et au conseil de l’Orchestre philharmonique de Vancouver. Il s’est joint au Comité d’éditeurs canadiens (CEC) l’année dernière.
« Je suis fier de contribuer à l’excellent travail de l’Agence canadienne de droits de reproduction musicaux (CMRRA) visant à hausser les tarifs des auteurs-compositeurs et des éditeurs au Canada, dit-il. C’est tellement important en ce moment, surtout compte tenu de l’évolution du mode de consommation de la musique. »
Selon Mark, les taux des services de diffusion en continu doivent demeurer concurrentiels au Canada par rapport au reste du monde.
« Il faut comprendre que, si ces taux favorisent fortement les bandes originales, les entreprises qui sont à la fois des maisons de disques et des maisons d’édition se contenteront de trouver des interprètes », ajoute-t-il.
« Si les taux d’édition sont beaucoup plus bas que ceux des bandes originales, les entreprises préféreront investir dans l’acquisition de bandes originales, compte tenu des risques inhérents à une situation concurrentielle. »
Selon Mark, les éditeurs investiraient davantage dans les auteurs-compositeurs canadiens si les taux pour les services de diffusion en continu augmentaient.
« Si ces taux commencent à augmenter partout sauf au Canada, les éditeurs comme nous ne mettront pas d’auteurs-compositeurs sous contrat au Canada, parce qu’ils ne pourront tout simplement pas se le permettre », explique-t-il.
Mark voyage à l’étranger trois mois par année dans les bureaux satellites de Nettwerk à Londres, Hambourg, Los Angeles, New York et Boston. Il trouve toujours le temps de pratiquer le violoncelle une heure par jour.
« Je joue du violoncelle depuis une dizaine d’années, avoue-t-il. La musique classique m’ouvre à un tout autre monde : elle m’inspire énormément et enrichit ma culture musicale de mille et une façons. »
C’est ainsi que Mark renoue avec son amour de la musique en jouant au sein de l’Orchestre philharmonique de Vancouver.
« Le plaisir de jouer me fait oublier, pour un temps, le monde des affaires et ses graphiques, ses contrats, ses pourcentages et ses rouages », confie-t-il.
Mark est également violoncelliste à l’Orchestre philharmonique de Vancouver et auteur de Tubers, une collection de neuf nouvelles qui se déroulent dans les métros de trois grandes villes.