Par Jonathan Dekel
Il semble que c’était dans une autre vie, mais Jodie Ferneyhough, dirigeant de CCS et président de longue date d’Éditeurs de musique au Canada, n’a pas toujours été convaincu qu’il y avait de l’avenir dans l’édition musicale.
C’était en 2010. La carrière de Ferneyhough, ancien cadre de Peermusic et d’Universal Music Publishing, ainsi que cofondateur du Fonds de bienfaisance Unison, est à son plus bas. « L’industrie avait touché le fond et les perspectives d’emploi allaient de faibles à nulles », rappelle-t-il.
Heureusement, comme d’autres avant lui, Ferneyhough a su transformer cette conjoncture défavorable en inspiration en fondant CCS Rights Management, une société d’édition musicale et de gestion des droits ouverte sur le monde. Le répertoire de la société torontoise comprend maintenant une grande variété d’auteurs et de propriétés télévisuelles, notamment l’auteur et producteur Gavin Brown, grand vendeur de disques multiplatine, l’artiste interprète Carys (Aviva Mongillo) de Warner/Atlantic, Terra Lightfoot de Sonic Unyon et les propriétés de Spin Master — dont l’émission La Pat’Patrouille. La société administre également le catalogue de Glenn Gould. Ferneyhough explique : « Je me suis rendu compte que, même si nous administrions et percevions des revenus de l’édition, il était à la fois avisé et nécessaire de veiller à ce que les auteurs, les artistes et les autres titulaires de droits d’auteur tirent des revenus d’une variété d’autres sources. C’est ce qui nous a poussés à mettre sur pied un service de droits voisins. »
De nos jours, CCS est représentée un peu partout dans le monde par 17 sous-éditeurs. « Il était important pour moi de trouver les meilleurs partenaires pour notre répertoire, indique Ferneyhough. Dans certains cas, nous travaillons uniquement avec des sociétés de type administratif, mais, la plupart du temps, nous cherchons des partenaires actifs sur le plan créatif pour soutenir la carrière de nos auteurs. Nous voulons des sociétés qui ont beaucoup de liens avec l’industrie dans leur région du monde afin de créer des débouchés pour nos chansons. »
De son propre aveu, Ferneyhough est entré dans l’univers de l’édition entièrement par hasard. Avant d’entrer au service de Peermusic, en 1996, il gérait les groupes renommés pigfarm et The Monoxides. Après avoir décroché un contrat d’édition pour pigfarm avec Peermusic, il se fait offrir un poste de chef de la création par le directeur général. « Nous avions un bambin de deux ans, ma femme était enceinte de jumeaux, et le job glamoureux d’agent d’artistes ne permettait pas de payer les factures, dit-il en riant. J’ai donc accepté. Je ne connaissais pas grand-chose à part les bases de l’édition, mais je savais comment mettre des artistes sous contrat. J’ai travaillé pour cette boîte pendant quelques années, puis je suis passé à Universal Music Publishing. »
En 2001, Ferneyhough accepte un poste de directeur général au sein du Universal Music Publishing Group, où il travaillera pendant près d’une dizaine d’années. Il a joué un rôle dans la carrière de plusieurs artistes canadiens, notamment K-os, Sam Roberts, Jann Arden, Shania Twain, Mars Bonfire et Avril Lavigne. « Les deux sociétés m’ont appris, chacune à sa façon, à devenir un éditeur de musique. J’ai adoré y travailler », confie-t-il.
Ces connaissances servent bien Ferneyhough au sein de CCS. Même si son quartier général est à Toronto, il est convaincu que l’industrie sera bientôt plus mondiale que jamais et qu’il est primordial de ne pas perdre cette situation de vue pour prospérer. « Les chansons voyagent de plus en plus. La musique du monde devient grand public et les services de diffusion traditionnels et par contournement (c’est-à-dire les services en ligne de diffusion en continu offerts directement aux utilisateurs) offrent de plus en plus de débouchés aux productions audiovisuelles. »
Il précise : « Les États-Unis ont récemment adopté la Music Modernization Act, qui devrait permettre aux ayants droit de gagner davantage d’argent. Spotify et YouTube attirent toujours de plus en plus d’abonnés utilisateurs. Et, en Inde, la classe moyenne a accès à des données très peu coûteuses et à plus de musique que jamais dans l’histoire. »
Et d’ajouter : « Si les fournisseurs de services numériques et les autres plateformes continuent de prendre des mesures pour rémunérer équitablement les auteurs, ces derniers auront de nouvelles possibilités de bien vivre de leur art. Notre véritable travail sera, comme c’est le cas maintenant, de protéger les auteurs. »
Interrogé sur la valeur d’une chanson, Ferneyhough confie : « La valeur d’une chanson ne peut pas se mesurer. Il est impossible de dire que telle chanson a plus de valeur que telle autre. Toutes les chansons qui existent actuellement ont une signification pour quelqu’un, même si ce n’est que pour la personne qui l’a composée. Les chansons traversent le temps, elles nous transportent. Elles sont nos souvenirs, bons ou mauvais. »
Il poursuit : « Tout le monde écoute de la musique, à la maison, dans sa voiture, pendant une promenade ou son jogging. Tout le monde veut utiliser de la musique dans ses productions, ses films. La musique est le moteur de sociétés comme Spotify, Deezer et YouTube, qui, malheureusement, veulent dévaluer la musique pour s’en mettre davantage dans les poches et éliminer la valeur du compositeur. »
Ferneyhough croit fermement que les maisons d’édition musicale continueront à militer pour une réforme qui renforcera la protection des droits d’auteur et pour contrer ceux qui pensent que le droit d’auteur n’a pas sa place. « Il est essentiel pour les auteurs ou les compositeurs de bien connaître les lois, les tarifs et les contrats qui les régissent. Mais leur travail, c’est de créer. Le travail des éditeurs de musique, c’est d’être un partenaire, de défendre le droit d’auteur et de veiller à ce que les auteurs et les compositeurs soient rémunérés de façon équitable. Il faut mettre fin à l’animosité entre les auteurs ou les compositeurs et les éditeurs. C’est tous pour un et un pour tous : je gagne ma vie parce que mes auteurs gagnent bien leur vie. »
Il conclut : « Il a été intéressant d’observer la reconstruction de l’industrie. Il y a encore beaucoup à faire, notamment dans la lutte pour la hausse de tarifs versés aux auteurs et aux compositeurs, et la bataille permanente avec les maisons de disque au sujet de ce qu’elles devraient être payées, selon elles. Chacune de mes journées est remplie de temps forts, de nouvelles occasions ou d’occasions manquées, mais la croissance continue de CCS, c’est vraiment le volet qui m’allume le plus. »
Jodie Ferneyhough est membre du comité d’éditeurs canadiens de la CMRRA, le fondateur de CCS Rights Management et l’un des cofondateurs du Fonds de bienfaisance Unison, qui offre des services de conseils et de l’aide d’urgence au milieu de la musique du Canada. « En ces temps difficiles, si vous avez besoin de soutien, que ce soit émotionnel ou financier, n’hésitez pas à communiquer avec Unison. Si vous le pouvez, faites un don : Spotify versera une somme équivalente au total des dons, jusqu’à concurrence de 10 millions de dollars. Unison a besoin de votre appui pour aider les membres de l’industrie de la musique qui sont les plus touchés. »
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