par Tabassum Siddiqui
Alors qu’il est félicité pour le 20e anniversaire de SoundExchange, un organisme américain spécialisé dans la musique numérique, Michael Huppe, son président-directeur général, ne se contente pas de se réjouir de cette étape importante, mais garde le regard résolument tourné vers l’avenir — plutôt que vers le passé.
En tant que force motrice de SoundExchange, qui a acquis la CMRRA en 2017 et comprend la société affiliée SX Works Global Publisher Services (SX Works), Huppe est le type de dirigeant qui pense toujours à ce qui va suivre, en particulier lorsqu’il s’agit de relever les défis et les occasions que présente une industrie de la musique en constante évolution.
« Je passe beaucoup plus de temps à regarder vers l’avant plutôt que vers l’arrière : je pense que, pour un PDG et pour l’équipe de direction, si vous ne vous projetez que dans les cinq prochaines années, vous avez déjà pris du retard », dit-il.
Sa carrière à la tête de SoundExchange associe son intérêt de longue date pour la musique à des débuts de juriste. Depuis 2003, la société s’efforce de rendre l’industrie musicale plus équitable et plus efficace grâce à la technologie, aux données et à la défense des droits. Elle perçoit et distribue les redevances d’exécution numérique au profit de plus de 650 000 créateurs et créatrices.
« Je suis un ancien avocat », précise-t-il en riant. J’ai commencé ma carrière dans un cabinet d’avocats où je m’occupais beaucoup de propriété intellectuelle, mais également de litiges commerciaux généraux. En 2000, un chasseur de têtes m’a proposé de me joindre à la Recording Industry Association of America, une association commerciale de Washington qui représente les principales maisons de disques. Une grande partie de mon travail consistait à collaborer avec SoundExchange : je m’occupais de la plupart des litiges concernant les tarifs élevés, puis, un jour, on m’a demandé d’intégrer l’organisme en tant qu’avocat général, ce que j’ai fait jusqu’à ce que je devienne PDG. »
« J’ai toujours aimé la musique. Je joue de quelques instruments — pas très bien ! — et j’aime ce que la musique représente dans notre culture et ce qu’elle signifie pour exploiter notre capacité à nous exprimer, ajoute-t-il. Elle peut nous remonter le moral quand nous sommes déprimés, et c’est un moyen de communiquer les uns avec les autres. C’est donc avec beaucoup d’enthousiasme que j’ai commencé à travailler dans l’industrie musicale. »
M. Huppe, ardent défenseur des politiques de soutien aux créatrices et créateurs, a joué un rôle clé dans l’adoption de la loi de 2018 sur la modernisation de la musique aux États-Unis. Il est également professeur associé, conférencier et auteur publié.
Au cours des 10 années de son leadership, la collecte annuelle des redevances d’exécution numérique de SoundExchange au nom des créateurs et créatrices est passée de 292 millions de dollars à plus de un milliard, en partie grâce à l’accent mis sur l’amélioration de la rémunération des créateurs et créatrices dans l’univers numérique.
« Il faut frapper à tellement de portes pour obtenir les droits d’utiliser légalement de la musique qu’une partie de notre rôle a toujours été de trouver comment améliorer le fonctionnement de l’industrie et éliminer les zones de friction, explique M. Huppe. Nous consacrons beaucoup de temps et d’énergie à des questions telles que les métadonnées, les problèmes de propriété et les litiges en matière de paiement, qui accaparent une grande partie des ressources du secteur, lesquelles pourraient autrement être consacrées à la création musicale. »
Pour trouver un juste équilibre entre la stratégie, la défense des intérêts, l’éducation et la sensibilisation, M. Huppe doit souvent jongler avec plusieurs priorités à la fois.
« Il y a des jours où je me concentre sur le développement commercial — je réfléchis au prochain chapitre de l’entreprise, à la direction que prend l’industrie et à la manière dont nous pouvons l’accompagner, dit-il. D’autres jours, je me concentre sur la défense des créateurs et créatrices de musique — nous sommes une entreprise d’abord et avant tout, mais nous défendons la valeur de la musique. Cela fait partie de notre ADN de nous battre pour que quiconque crée soit rétribué correctement, chaque fois que sa musique est utilisée, et ce, peu importe où. Nous participons à la législation à Washington et dans le monde entier, en particulier en Europe, pour nous assurer que créatrices et créateurs soient rémunérés de manière équitable. »
M. Huppe, qui a supervisé l’acquisition de la CMRRA par SoundExchange, estime que la filiale canadienne est essentielle à la croissance future de l’entreprise. Grâce à la CMRRA et à SX Works, SoundExchange fournit des solutions et des outils administratifs qui facilitent le partage de données pour les éditeurs et la recherche des utilisations numériques non rémunérées de leur répertoire.
« Nous sommes la référence en matière d’octroi de licences collectives dans l’industrie : nos taux de rémunération, nos tarifs administratifs, notre efficacité, la transparence de nos processus, tout cela est mis en place pour améliorer le fonctionnement. En acquérant la CMRRA en 2017, nous nous sommes dit : “Et si nous pouvions apporter notre vision, notre perspective et nos systèmes au bénéfice d’un véritable chef de file du secteur de l’édition au Canada et faire un pas en avant vers un régime d’octroi de licences plus harmonieux !” » M. Huppe fait remarquer que, contrairement à la CMRRA au Canada, les États-Unis ne disposaient pas, jusqu’à récemment, d’un organisme centralisé pour gérer les droits mécaniques et l’édition.
La CMRRA appartient à SX Works, une filiale qui fournit des services administratifs au secteur de l’édition. L’un des éléments clés de ce partenariat est une base de données intégrée qui tire parti de la combinaison du Code international normalisé d’enregistrement (ISRC) de SoundExchange et des données sur les enregistrements sonores, ainsi que de la vaste base de données des œuvres musicales de la CMRRA, fruit de 47 ans d’administration de licences collectives dans les catalogues des labels, les plateformes UGC et les rapports d’utilisation complets pour les fournisseurs de téléchargement et de diffusion numérique en continu.
« La CMRRA dispose d’une base de données d’édition de titres exceptionnelle, et nous combinons les ressources de manière à éliminer certains silos existants, ce qui peut contribuer à rendre le traitement de toutes ces redevances beaucoup plus efficace », explique M. Huppe.
La combinaison de ces forces est la clé de la vision de SoundExchange pour relever les grands défis posés par la perturbation numérique de l’industrie musicale, qu’il s’agisse du passage des ventes de copies physiques aux revenus générés par la diffusion en continu, du développement de nouvelles plateformes telles que le Metaverse et le Web 3.0, ou des outils d’intelligence artificielle générative dont on parle beaucoup.
Alors que l’entreprise célèbre cette année son 20e anniversaire, M. Huppe se dit optimiste quant à la capacité de SoundExchange à relever de front ces défis.
« C’est le moment idéal pour mesurer le chemin parcouru — et pourtant, 20 ans, ce n’est pas si long, de souligner le visionnaire. Il est vraiment gratifiant de voir les progrès réalisés dans le domaine de la diffusion numérique en continu au cours de ces 20 années. Je repense à mon arrivée à bord : à l’époque, les gens ne savaient même pas ce qu’était ce nouveau droit que nous administrions. Il est fascinant de voir ce qui a été accompli en 10 ans.
« Nous allons toujours de l’avant, mais cet anniversaire est une bonne occasion de faire une pause, d’évaluer l’évolution de l’industrie et de tenir compte des changements à venir. »
L’engagement envers les créateurs et créatrices, les parties prenantes de l’industrie, les fonctionnaires et les autres intervenants et intervenantes est au cœur du mandat de SoundExchange : en utilisant tous les moyens à sa disposition, des médias sociaux aux infolettres en ligne en passant par la sensibilisation directe, la société fait un effort concerté pour faire connaître ses activités commerciales et ses fonctions de représentation.
« Il est essentiel pour la communauté créative de savoir ce que la CMRRA, SoundExchange et SX Works apportent à l’industrie. Une part de notre engagement consiste à nous assurer que tous les créateurs et créatrices savent que nous sommes plus qu’une banque qui envoie de l’argent tous les mois. Nous nous battons également pour un traitement équitable des créateurs, créatrices et titulaires de droits », rappelle M. Huppe.
Vingt ans après le début de sa mission d’assurer l’avenir de la musique, SoundExchange continuera de tirer parti de ce type d’engagement pour soutenir les auteurs-compositeurs, autrices-compositrices et autres créateurs et créatrices de musique.
« Nous nous concentrons toujours sur la valeur de la musique et sur la protection des créateurs et des détenteurs de droits dans le monde entier, ce qui ne cessera jamais, déclare M. Huppe. Mais je pense que nous allons consacrer beaucoup d’énergie à nous pencher sur les questions suivantes : comment la musique va-t-elle être consommée dans le monde ? comment la musique sera-t-elle consommée dans cinq ans ? Quel sera le statut du Web 3.0 ? Comment pouvons-nous jouer un rôle pour nous assurer que l’IA profite à l’industrie tout en prenant les précautions nécessaires ? Il s’agit là de quelques-uns des grands enjeux sur lesquels nous nous concentrerons dans les prochaines années. »
Pour en savoir plus sur SoundExchange, visitez le site www.soundexchange.com.