Vous avez commencé votre carrière en défendant les droits des éditeurs et des auteurs-compositeurs indépendants et vous êtes maintenant vice-présidente principale aux affaires commerciales et au développement de l’agence à la CMRRA. Vous avez accompli beaucoup de choses ! De quelle réalisation êtes-vous la plus fière ?
Je suis particulièrement fière des relations que je suis arrivée à tisser tout au long de ma carrière. J’ai la chance de travailler avec beaucoup de gens de tous les secteurs du milieu musical et, sincèrement, mes réalisations sont le résultat direct de ces bonnes relations. D’abord et avant tout, mes relations avec les éditeurs de musique et les auteurs-compositeurs indépendants que nous représentons et avec qui j’ai travaillé en très étroite collaboration, en particulier ceux qui font partie du Comité d’éditeurs canadiens, dont l’apport sur les négociations est extrêmement précieux. Nous nous parlons souvent, en profondeur, et certaines de ces conversations seraient tout simplement impossibles si nous n’avions pas établi une bonne base de confiance et de respect. De même, aucune négociation ne serait féconde si ce n’était pas des relations que j’ai nouées au fil du temps avec mes collègues des services de musique en ligne. Au début de la musique numérique, il y avait des gens du milieu musical et des professionnels des technologies qui essayaient de communiquer entre eux… souvent sans beaucoup de succès. Il a fallu trouver un langage commun, puisque nous entrions ensemble dans un nouveau domaine d’affaires. La force de ces nouvelles relations a constitué la base des discussions. Par ailleurs, les relations ont parfois été tendues entre le milieu de l’édition et celui de l’enregistrement. Cependant, puisque la CMRRA s’intéresse aux négociations directes pour établir des pratiques qui seront la norme de l’industrie en matière d’octroi de licences pour des produits physiques, il est logique pour moi de travailler en collaboration pour créer un système qui sera avantageux pour l’ensemble de l’industrie. Les bonnes relations sont également importantes avec mes collègues d’autres secteurs, ainsi que des avocats, des consultants, des fonctionnaires et des chercheurs, avec lesquels j’ai fréquemment des interactions. Mais ce sont surtout mes collègues de la CMRRA et, plus récemment, de SoundExchange qui m’aident à garder la flamme et à avoir du succès au travail depuis 23 ans.
Lorsque les services de diffusion en continu sont apparus, vous avez contribué à établir la façon dont les éditeurs pouvaient octroyer des licences pour leurs chansons au Canada. Pouvez-vous m’en dire plus ?
Après avoir été admise au Barreau, j’ai commencé à chercher mon premier emploi, mais je ne savais pas comment en trouver un qui combinerait mes trois principaux domaines d’intérêt : les politiques, la musique et Internet. J’ai été embauchée par la CMRRA en mai 1999 et, un mois plus tard, une chose appelée Napster a fait son apparition, et ces trois domaines ont été soudainement fusionnés. Heureusement pour moi, il n’y avait à l’époque pas grand-chose à faire d’autre que de définir la façon dont les éditeurs pourraient octroyer des licences pour leurs chansons au Canada, et c’est ce qui m’occupe encore aujourd’hui ! Je me souviens des toutes premières réunions avec les maisons de disques et les nouveaux services de musique en ligne pour discuter de l’attribution de licences. Mais le moment charnière, ça a été lorsque j’ai aidé la CMRRA à proposer son premier tarif pour les services de musique en ligne à la Commission du droit d’auteur du Canada. Ce tarif permettait aux éditeurs de musique d’avoir un contrôle direct sur l’octroi de licences pour la diffusion en continu ou le téléchargement de leurs œuvres au Canada, plutôt que les droits passent par les maisons de disques. Nous nous sommes battus pour obtenir certains des taux et des modalités d’octroi de licences les plus élevés dans le monde. Grâce à ce tarif, nous pouvons être fiers aujourd’hui d’être en mesure de recueillir 100 % des données d’utilisation auprès de tous les fournisseurs de services numériques en activité au Canada pour veiller à ce que toutes les œuvres, qu’elles soient ou non représentées par la CMRRA, puissent faire l’objet de réclamation, de licence et de redevances. C’est pourquoi j’ai participé à la création et à la mise en œuvre du Portail des œuvres n’ayant pas fait l’objet de réclamations de la CMRRA. Cet outil avant-gardiste était unique en son genre à son lancement, en 2018. Il a permis à tous les éditeurs de musique et auteurs-compositeurs indépendants de travailler avec les données d’utilisation pour trouver des chansons et réclamer une titularité afin que la CMRRA puisse, de son côté, octroyer des licences pour ces chansons et percevoir les redevances connexes auprès des services de musique. Nous versons des redevances pour toutes les activités définies, et ce, à partir de la date de lancement des services au Canada jusqu’à présent, afin d’assurer que toutes les redevances exigibles vont aux titulaires de droits. Je suis fière de tout le travail que je fais à la CMRRA, mais ma contribution à la croissance du marché de l’octroi de licences pour la musique numérique au Canada me rend particulièrement fière.
En juin dernier, il a été annoncé que vous vous joigniez à l’équipe de direction de la nouvelle division des services d’éditions mondiaux de SX Works, Global Publisher Services. Que pouvez-vous nous dire à ce sujet ?
En 2017, je faisais partie de l’équipe de direction de la CMRRA qui était à la recherche d’un partenaire stratégique pour faire passer les services et l’expertise de la CMRRA à un niveau supérieur. SoundExchange était idéal pour nous, car nous avions la même vision — offrir des débouchés incroyables à l’ensemble du milieu de la musique — et savions que nous serions en mesure d’y arriver en combinant le système de codes ISRC et les données d’enregistrements sonores de SoundExchange avec la vaste base de données d’œuvres musicales de la CMRRA, par la création de SX Works.
SX Works Global Publisher Services tire parti de la combinaison des données et des capacités poussées de la CMRRA en administration de l’édition musicale, pour soutenir le milieu des éditeurs de musique et des auteurs-compositeurs indépendants à l’échelle internationale. Pour le moment, cette division se concentre sur les marchés américain et canadien. C’est avec honneur que je me suis jointe à l’équipe de direction de cette nouvelle initiative. Je peux puiser dans les relations que j’ai nouées au fil des années et travailler avec des gens pour régler des points faibles dont j’entends parler depuis bon nombre d’années et cerner de nouveaux débouchés pour faire croître les revenus et étendre le modèle de rémunération fondamental de la CMRRA par œuvre et par part au sein du milieu de l’édition musicale mondial. Je suis ravie que Realsongs (également présentée dans le présent numéro de La fréquence) nous ait fait confiance et soit devenue cliente de SXWorks. Elle est affiliée depuis longtemps à la CMRRA pour nos services au Canada.
Quel conseil donneriez-vous à quelqu’un qui envisage de faire carrière dans le milieu de la musique ?
De rencontrer le plus de gens possible afin de pouvoir travailler dans différents secteurs et d’écouter ce qu’ils ont à dire. L’industrie est bien plus que ce qu’elle ne paraît, et il est impossible de le savoir avant de commencer à en explorer les nombreux détails et les nombreuses strates. J’ai toujours aimé l’idée de défendre des droits, mais j’ignorais comment cette passion cadrait avec le milieu musical, jusqu’à ce que j’apprenne ce qu’était l’édition. Plus important encore, il faut se souvenir que les relations sont la clé de tout. Ce milieu est un réseau relativement petit de gens que l’on croise encore et encore au cours de sa carrière (si vous avez la chance de faire carrière en musique). Donc, il est important de se rappeler que les bonnes relations nous mènent beaucoup plus loin que si nous faisons cavalier seul. Oh ! Et, encore plus important : il ne faut jamais oublier qu’il n’y a que la musique qui compte. En réalité, c’est pour notre amour de la musique que nous sommes là.