La nouvelle année apporte presque toujours son lot d’espoirs et de promesses, en particulier pour Diane Pinet, membre du conseil d’administration de l’Agence canadienne des droits de reproduction musicaux ltée (CMRRA) et fondatrice des Éditions Bloc-Notes Musique.
« Beaucoup de choses vont changer dans notre industrie cette année, selon elle. Nous connaissons actuellement un certain ralentissement, mais les ventes vont reprendre, et cette année promet d’être très excitante. »
Diane parle en connaissance de cause, car son expérience dans l’industrie remonte au lancement de son entreprise d’édition musicale au milieu des années 1980.
Elle commence son parcours en édition de musique au Cégep de Saint-Laurent à Montréal, où elle entreprend des études médicales en vue de devenir médecin. Passionnée de musique, elle produit alors des concerts dans ses temps libres.
Au cours d’une grève étudiante qui suspend temporairement ses études, elle reçoit une offre d’Alain Paré des Productions APA, une agence artistique pour le Québec et les pays francophones d’Europe.
« C’est drôle comme le destin change parfois notre vie, songe-t-elle. J’ai commencé à travailler pour Alain et j’ai fait beaucoup de tournées qui m’ont aidé à comprendre le fonctionnement d’une agence artistique et la façon de faire évoluer un groupe de musique. »
Son parcours la mène finalement à la Performing Rights Organization of Canada Limited/Société de droits d’exécution du Canada limitée (SDE/PROCAN), un organisme précurseur de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN). Elle est nommée responsable des auteurs-compositeurs, éditeur au Québec et pour les Francophones à travers le Canada.
« J’ai décidé de travailler pour la SDE/PROCAN précisément parce que je ne connaissais rien à son champ d’activité, particulièrement le droit d’auteur, et parce que je connaissais bien le milieu artistique. À l’époque, les concerts et la location de places n’avaient rien à voir avec le droit d’auteur et les auteurs. Il en va tout autrement aujourd’hui, tout est connecté. »
Même si Diane considère ses sept années passées à la SDE/PROCAN comme un excellent apprentissage, elle envisage par la suite de réorienter sa carrière vers le monde des annonces et de la publicité.
« J’ai reçu une offre et, alors que je m’apprêtais à quitter le milieu, des artistes m’ont dit : “Diane, c’est ridicule de tout laisser tomber ; pourquoi ne pas profiter de ta grande expérience pour lancer ta propre entreprise !” Curieusement, ils m’ont convaincue. »
Diane fonde les Éditions Bloc-Notes Musique en 1985 et commence immédiatement à travailler avec Marc Durand (Bloc Notes Musique est administrateur de son catalogue), gérant et éditeur du groupe de musique canadien et sentation interntionale Men Without Hats, ainsi qu’avec leur maison de disque, Alert Records, et une nouvelle artiste à l’époque, Kim Mitchell.
« Tout est arrivé très, très vite, dit-elle. Du jour au lendemain, je suis passée du monde de la publicité à la fondation de ma propre entreprise. À l’époque, il y avait peu d’obstacles. »
Dès le début, Diane se tourne vers la France pour monter un catalogue international. Pendant cinq ans, elle prétend qu’elle a un patron masculin afin d’être prise au sérieux dans une industrie qui est alors dominée par les hommes. La hiérarchie est très importante à cette époque, et les femmes à la tête d’une industrie sont alors très peu nombreuses.
Immédiatement à la suite de son premier voyage en France, elle signe (Clousseau) Virgin Music Publishing France pour la représentation au Canada, sa première liaison internationale. Plusieurs ententes y font suite, incluant une avec BMG Publishing pour la représentation dans de nombreux territoires au Canada.
Aujourd’hui, le catalogue de Bloc-Notes comporte près de 100 000 titres anglais et français de styles musicaux variés allant de la musique électronique et du monde à la musique pop, au country, au rock et au hip-hop.
« Je suis aussi très fière de représenter Warner Chappell Music France au Canada, qui a un excellent répertoire. Nous travaillons étroitement avec leur catalogue. »
Diane a aussi récemment signé une entente de sous-édition avec Warner Chappell USA.
Bloc-Notes compte parmi ses auteurs-compositeurs et artistes des noms comme Betty Bonifassi, Sally Folk, Bobby Bazini, Tino Izzo, Ariel Coulombe, Fred St-Gelais (SOCAN auteur-compositeur de l’année), Bobby John, Diane Cadieux, Maryse Letarte, Patrick Bouchard, Eric Collard, Stéphane Dufour, et Justin Toito.
Son équipe est aussi derrière de nombreuses collaborations avec des artitstes tels que Céline Dion, Faith Hill, Luc Plamondon, Patrick Bruel, Gerry Boulet, Gipsy Kings, Cirque du Soleil (René Dupéré) et Marie-Mai, pour ne nommer que ceux-là.
Plusieurs des auteurs-compositeurs de longue date chez Bloc-Notes, tels que Tino Izzo, Diane Cadieux, Bobby John, Fred St-Gelais et Stéphane Dufour, ont obtenu des disques d’or, platines et des Prix No.1 SOCAN. Les auteurs-compositeurs-interprètes de chez Bloc Notes Sally Folk, Bobby Bazini et Betty Bonifassi, entre autre, sont sur une très bonne voix depuis quelques années déjà..
Diane peut compter sur une équipe de cinq personnes qui, en plus d’être des experts dans leur domaine respectif, contribuent à créer une atmosphère chaleureuse et familiale chez Bloc-Notes, ce qui ne manque pas d’attirer de nombreux auteurs-compositeurs.
« D’une certaine façon, mes auteurs-compositeurs sont aussi mes partenaires, confie-t-elle. Je les choisis et je dois avoir une relation avec eux, croire en eux et entretenir une vision à leur sujet. Sinon, je ne conclus pas de contrat avec eux. »
Diane adapte son approche aux besoins de chacun de ses auteurs-compositeurs et les aide à produire des maquettes, à réserver un studio et à se rendre à des camps d’auteur au Canada et à l’étranger.
« Certains auteurs-compositeurs tiennent à concentrer leurs efforts sur leur album tandis que d’autres ont terminé leur album et sont prêts à faire de la coécriture ou du placement de chansons, dit-elle. Chaque écrivain est différent; on ne peut pas les mettre tous dans le même sac. »
La synchronisation est également une activité importante et des plus exigeantes de Bloc-Notes.
« Le placement de chansons est la tâche la plus ardue, reconnaît-elle. Nous devons assurer un suivi très serré ; en effet, si le client n’aime pas une chanson pour une publicité ou un film, nous devons la remplacer rapidement en composant une autre. »
Selon Diane, « pour devenir un éditeur de musique accompli, il importe de trouver le juste équilibre entre les auteurs-compositeurs et leurs chansons, d’une part, et l’administration du droit d’auteur, d’autre part ».
« Si l’on détient d’excellents droits d’auteur, mais que l’on ne possède pas les chansons, on n’arrivera à rien. Par contre, si l’on a un artiste fantastique, mais que nos droits d’auteur ne sont pas assez élevés, il y a anguille sous roche. »
Au sein d’une industrie qui évolue rapidement, Diane doit prendre des virages à la vitesse de l’éclair.
« L’édition musicale est passionnante, parce que chaque jour apporte du nouveau, dit-elle. Quelque chose d’imprévu peut survenir en tout temps et nous forcer à changer complètement notre façon de travailler. »
La lecture en continue a saisi le marché musical et l’avenir semble être au numérique, note Diane.
« Nous nous dirigeons vers un monde entièrement numérique, dit-elle. Les ventes physiques demeurent importantes pour les artistes dans certains marchés, et le vinyl a aussi refait surface chez les audiophiles, mais l’essort du numérique nous force à adapter notre façon de penser et de faire affaire. »
En plus d’être membre du conseil d’administration de la CMRRA, Diane fait partie du conseil d’administration de la Canadian Music Publishers Association (CMPA) et participe activement à de nombreux comités de l’industrie. L’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) lui a d’ailleurs décerné plusieurs prix Félix d’Éditeur de l’année en reconnaissance de son travail.
Contrairement à certains membres de l’industrie que les changements rebutent, Diane se tourne, elle, résolument vers l’avenir.
« J’ai vraiment hâte de savoir ce que nous réserve 2018 : j’espère que l’industrie aura beaucoup évolué d’ici là. Partout au pays, des éditeurs collaborent étroitement à l’atteinte d’un but commun. »