Mai marque le premier anniversaire de l’acquisition de l’Agence canadienne des droits de reproduction musicaux (CMRRA) par SoundExchange, transaction qui a permis à cette dernière de diversifier ses activités pour offrir ses services au secteur de l’édition musicale, en plus de son travail de perception et de distribution des redevances d’exécution numérique d’enregistrements sonores. La CMRRA fait partie de SXWorks, une filiale en propriété exclusive de SoundExchange, qui offre aux éditeurs de musique des services administratifs globaux.
L’acquisition représente aussi une occasion de bénéficier des systèmes, des plateformes et des relations internationales de SoundExchange pour la CMRRA, largement reconnue comme un chef de file de la gestion des droits et un partenaire essentiel des éditeurs de musique et des auteurs-compositeurs publiant leurs œuvres à compte d’auteur qui ont des redevances à percevoir au Canada.
La position avantageuse de la CMRRA est en grande partie attribuable au travail acharné d’une équipe incroyable de professionnels chargée de délivrer les licences et de percevoir les redevances pour la reproduction d’œuvres musicales au Canada. Caroline Rioux est à la tête de l’équipe de la CMRRA; nous nous sommes entretenus avec elle au sujet de l’Association, de ses réussites en 2017 et de ses plans pour l’année à venir.
SoundExchange : Selon vous, en quoi le partenariat entre SXWorks et la CMRRA profitera-t-il aux éditeurs de musique au Canada ?
Rioux : En nouant un partenariat avec SoundExchange, la CMRRA visait à accroître ses économies d’échelle. Le marché canadien, même s’il est très vivant, demeure tout de même un petit marché. Si la population est petite, peu d’abonnements sont vendus. Mais l’infrastructure nécessaire pour servir ce marché est importante, peu importe les volumes.
Lorsque l’industrie a commencé à s’éloigner de la vente de CD, la CMRRA a très bien réussi à diversifier ses sources de revenus. Le marché de la diffusion en continu est plutôt solide, mais il n’est pas encore aussi lucratif que ce que nous souhaitons. Lorsqu’un utilisateur paie un abonnement 10 $ par mois, la part de ce montant qui va aux redevances mécaniques est loin d’être aussi élevée que ce qu’offrent la vente de CD et le téléchargement.
Mon équipe et moi avons étudié toutes les options, et nous avons établi qu’il était nécessaire de dépasser les frontières canadiennes. Le mieux, c’était de nous associer avec un partenaire qui pourrait aider la CMRRA dans son expansion, et c’est dans l’équipe de SoundExchange — qui est composée de spécialistes et de chefs de file en technologies informatiques extraordinaires — que nous l’avons trouvé. La CMRRA profite maintenant de cette expertise et de ce leadership qui l’aident à cerner les domaines de rendement à améliorer. Cela fait plusieurs années déjà que la CMRRA a adopté une infrastructure fondée sur l’infonuagique pour gérer le volume impressionnant de données qu’elle reçoit chaque jour, mais je suis toujours impressionnée de voir la vitesse à laquelle nous devons passer à l’étape suivante des percées technologiques pour tenir la cadence de l’augmentation croissante des volumes de données et des besoins de nos clients en matière d’amélioration des outils et des ressources pour accéder à ces données.
Avec SoundExchange, la CMRRA est entre bonnes mains à ce chapitre. Je dors mieux la nuit, sachant que ce partenaire nous protège, peu importe ce que l’avenir nous réserve.
SoundExchange : De quelle façon les éditeurs en tireront-ils profit à long terme ?
Rioux : Des investissements ont été réalisés dans l’infrastructure de la CMRRA lorsqu’elle est arrivée sur de nouveaux marchés par le truchement de SXWorks. Notre capacité à maximiser ces investissements et à tirer parti de l’envergure, de la portée et de l’expertise de SoundExchange pour bonifier encore davantage l’efficacité de cette infrastructure permettra d’accroître l’efficience et la robustesse du moteur administratif. Ainsi, nous serons en mesure de réduire les frais d’administration pour les éditeurs et d’accélérer la perception et la distribution des redevances au Canada. C’est l’échelle qui permet ces économies.
SoundExchange : Quelles mesures la CMRRA a-t-elle prise pour améliorer l’efficacité et la transparence.
Rioux : La CMRRA a toujours été transparente. Son but initial était l’octroi de licence pour des produits physiques au nom des éditeurs. En soi, cette activité est très commerciale et très transparente.
Un produit est lancé. Chaque chanson fait l’objet d’une licence particulière. En fait, chaque part de chaque chanson sur chaque produit fait l’objet de sa propre licence. Lorsque des redevances sont versées par le titulaire de licence, elles le sont par rapport à une licence très précise, qui se fonde sur le nombre d’unités vendues de ce produit. Le paiement est remis au titulaire des droits d’auteur, accompagné de toutes les données connexes sur les ventes. Le titulaire n’a aucun doute sur ce qui lui est payé. C’est un processus linéaire, facile à concilier et à auditer. Nous avons toujours ce modèle en tête lorsque nous mettons sur pied un nouveau processus d’octroi de licence ou de distribution : il faut qu’il soit propre à un élément, transparent et clair.
C’est pourquoi il était déjà très important pour nous d’octroyer des licences directement à ces services plutôt que de passer par les maisons de disques, lorsque les premiers services de musique en ligne ont été lancés au Canada, vers la fin de 2004. Ce choix a été payant pour la CMRRA, car, depuis leurs débuts, ces services lui ont déclaré toutes leurs ventes sur le marché canadien.
Pour que la CMRRA soit payée, il faut analyser les données d’utilisation pour y repérer les œuvres qui figurent dans ses répertoires et envoyer une facture au service de diffusion pour les parts représentées dans ces œuvres. Après la facturation puis la réception du paiement, il est rapide de distribuer aux éditeurs les redevances connexes, accompagnées de toutes les données d’usage pertinentes.
Lorsque la CMRRA devient la représentante des œuvres des années passées ou que de telles œuvres sont inscrites auprès d’elle, notre équipe est en mesure de délivrer des factures rétroactives et de percevoir les redevances pour les ventes passées. Chaque trimestre, dans le cadre du cycle continu de facturation des redevances, nous évaluons les nouvelles parts et les nouvelles correspondances de ventes antérieures, et ces parts sont automatiquement ajoutées à la facture suivante. Je crois que la CMRRA a le mécanisme de facturation des redevances passées le plus continu. Il n’est pas nécessaire de traverser un processus complexe de réclamations rétrospectives comme nous l’avons vu ailleurs.
À la CMRRA, nous ne voyons pas le marché de la musique en ligne comme une espèce de boîte noire qui ne permet pas de repérer ce qui est utilisé. La grande difficulté, et nous nous concentrons beaucoup là-dessus, c’est notre capacité à traiter un volume énorme de données. Voilà pourquoi il est crucial de pouvoir compter sur un système efficace et robuste, ainsi que sur des algorithmes de correspondance intelligents.
SoundExchange : La CMRRA a un important rôle à jouer dans l’établissement des taux de redevance des droits de reproduction au Canada. De quelle façon les négocie-t-elle ?
Rioux : Il y a deux avenues pour l’établissement de taux de redevance des droits de reproduction au Canada. Nous pouvons négocier directement avec chaque utilisateur ou présenter une demande de tarif devant la Commission du droit d’auteur. Les tarifs homologués par cette dernière ont force de loi.
Au cours des années, la CMRRA a eu recours aux deux méthodes de façon stratégique, en fonction des circonstances. Elle préfère négocier des contrats de licence directement avec les utilisateurs, mais ce n’est pas toujours possible.
Notre premier tarif homologué par la Commission du droit d’auteur touchait la reproduction d’œuvres musicales par les stations de radio. Au Canada, les éditeurs sont payés pour ces reproductions. Au départ, les radiodiffuseurs refusaient de verser quoi que ce soit pour ces droits de reproduction, faisant valoir que les copies réalisées dans le cadre de leurs activités n’avaient aucune valeur. Nous avons donc porté la cause devant la Commission du droit d’auteur et avons obtenu l’homologation de taux de redevance.
Pendant de nombreuses années, nous nous sommes fondés sur les tarifs pour octroyer des licences aux services de musique en ligne présents sur le marché canadien, ce qui nous permettait d’établir des taux de redevance appropriés dans ce marché en émergence ainsi que d’assurer la collecte des données pertinentes et le flux des redevances entre la CMRRA et les services de musique en ligne. Nous ne voulions pas être assujettis au régime d’octroi de licence qui était devenu le modèle aux États-Unis.
Nous avons eu du succès au cours de ces audiences et avons obtenu des taux bien plus élevés que ce que nous aurions pu négocier seuls, sans preuve complète. Ce processus juste et équitable nous a permis d’obtenir des taux de redevance parmi les plus élevés du monde.
Toutefois, à la fin de 2012, plusieurs modifications ont été apportées à la Loi sur le droit d’auteur, et de nouvelles exceptions ont été mises en place, au profit des utilisateurs plutôt que des titulaires de droits d’auteur. Et maintenant, en partie en raison de la nécessité de déterminer les effets de toutes les modifications apportées à la Loi, la Commission du droit d’auteur met des années avant de rendre ses décisions sur les tarifs. Comment diriger une entreprise sans savoir quels seront les taux applicables ?
Pour faire diminuer ces délais, nous avons commencé à négocier directement avec les services en ligne. Nous avons conclu des contrats de licence avec les principaux services de musique en ligne présents au Canada et nous cessons progressivement de déposer des tarifs pour ce type d’utilisateurs. Le marché est maintenant assez mature; nous avons donc des taux de référence et des modalités administratives pour encadrer les négociations et ainsi maximiser la valeur des droits de reproduction.
SoundExchange : Qu’en est-il de la possibilité de coopération transfrontalière entre la CMRRA et SoundExchange ? Des membres de la communauté d’artistes-titulaires de droits de SoundExchange pourraient-ils adhérer à la CMRRA ? Si oui, comment ?
Rioux : Il y a des redevances à percevoir au Canada. Un grand nombre des titulaires de droits que la CMRRA représente sont américains. Elle représente les principaux éditeurs de musique et de grandes maisons indépendantes. Les titulaires de droits peuvent adhérer directement à la CMRRA ou avoir recours à un sous-éditeur au Canada qui est déjà représenté par la CMRRA. Si vous n’avez pas de sous-éditeur ou n’êtes pas directement affilié à la CMRRA, il est bien possible que vous ne receviez pas vos redevances canadiennes.
Nous voulons passer le mot. Il s’agit de combler les lacunes du répertoire. Consultez notre site Web; il contient notre entente d’affiliation. Et cherchez un sous-éditeur.