par Isabelle Speerin
Passer les relevés de redevances de ses clients aux rayons X : voilà la pratique qui distingue Randall Wixen, fondateur de Wixen Music Publishing, sur le marché hautement concurrentiel de l’édition musicale. Il explique : « La plupart des éditeurs se contentent de percevoir les redevances et de les traiter par l’échange automatique de dossiers électroniques. Nous, nous vérifions s’il manque de l’argent et si les taux sont exacts. Nous sommes très, très axés sur la vérification. »
Le succès de Wixen est lié à une rencontre fortuite avec James Young, guitariste du groupe rock Styx, il y a une quarantaine d’années. À cette époque, Wixen, diplômé en économie de l’Université de Californie à Los Angeles (UCLA), en était à ses premiers pas dans le milieu de la musique. Young l’a présenté à son impresario, qui l’a embauché pour examiner les relevés et effectuer d’autres tâches liées aux redevances. « Un jour, je reçois une pile de chèques et de relevés d’un nouveau client répondant au nom de Tom Petty, se rappelle Randall. Il me demandait de vérifier s’il y avait des erreurs. Je prends le premier relevé, puis je lis le contrat d’enregistrement au complet. Et je remarque une avance de 125 000 $. Sur le deuxième relevé, pareil : une avance de 125 000 $ inscrite en charge. » Il s’avère que Petty avait été facturée à tort pour la même avance sur deux déclarations consécutives.
« Lorsque Tom a appris que l’erreur avait été découverte par le petit gars que l’impresario venait d’embaucher pour vérifier les relevés, il a été extrêmement courtois. C’était beaucoup d’argent pour lui, à l’époque. Il m’a envoyé un exemplaire autographié de son album Damn the Torpedoes. Son message disait : “Randall, compte chaque cent ! Amitiés, Tom.” » Depuis ce jour-là, Petty a toujours été ravi d’avoir Wixen dans son entourage.
Quarante ans plus tard, le regretté chanteur et guitariste fait toujours partie du répertoire de Wixen Music Publishing, aux côtés de quelque 2 000 auteurs-compositeurs et artistes interprètes de tous les genres de musique populaire, notamment The Doors, Missy Elliott, Janis Joplin, De’Wayne Jackson, Dennis DeYoung and Styx, Andrew Bird, Stevie Ray Vaughan, The Black Keys, Santana, Otis Redding, Three Days Grace, et Barry Mann & Cynthia Weil.
Cette confiance envers Wixen en dit long sur la qualité supérieure des services administratifs, de la vérification et de la force de négociation d’un éditeur de musique indépendant qui offre des services personnalisés. Wixen note que I Won’t Back Down, que Tom Petty a coécrite avec Jeff Lynne et lancée en 1989, est l’exemple parfait de chansons qui changent réellement la vie des gens. « Beaucoup de personnes ont trouvé dans I Won’t Back Down le courage pour traverser des situations très difficiles, et cette chanson est devenue pour eux un hymne personnel. »
Il arrive encore que des admirateurs envoient des lettres à la succession de Tom Petty pour raconter des histoires très touchantes sur l’aide que la chanson leur a apportée pour lutter contre un cancer de stade 4, sortir d’un coma, survivre à la perte d’un être cher ou demeurer résilient pendant une période sombre. Si le message direct et puissant de la chanson trouve un écho auprès d’un très grand nombre de gens, Wixen reconnaît qu’il peut s’agir parfois d’une arme à double tranchant. « Malheureusement, l’œuvre a été utilisée sans autorisation par Donald Trump comme chanson de ralliement pendant la campagne, déplore-t-il. D’un côté, elle a eu des effets très positifs et, d’un autre, il faut constamment être à l’affût pour vérifier qui l’utilise et comment. »
Dans ses dans ses entreprises américaines et britanniques, Wixen a constitué une équipe exceptionnelle qui garde un œil attentif sur les façons dont les chansons de ses clients sont exploitées. Ses employés, dont certains font partie de l’entreprise familiale depuis 10 ou 15 ans, connaissent très bien le catalogue. « Nous traitons environ 80 000 chansons — un nombre relativement faible, explique-t-il. Nous ne mettons pas le premier venu sous contrat. L’équipe prend le temps de connaître ce que la personne a composé, de faire des suggestions et de mieux comprendre les besoins des clients. »
Autre avantage d’exploiter une entreprise petite et agile, Wixen n’est pas redevable à des investisseurs ou à des actionnaires, et il ne fait pas partie d’un conglomérat lié à une maison de disques. « Nous pouvons être très virulents envers les contrefacteurs, puisque nous n’avons pas à avoir peur d’emmerder les services Internet dans lesquels de grandes maisons de disques ont des intérêts, dit-il. Nous avons beaucoup moins de conflits d’intérêts et nous pouvons poursuivre des contrefacteurs de masse et obtenir des bonnes indemnisations pour nos clients. Nous sommes en mesure de surveiller ce qui se passe, dans des domaines où d’autres intervenants pourraient être en conflit s’ils prenaient des mesures semblables. »
Wixen est encouragé par la croissance des revenus qui s’annonce dans l’industrie de la musique, grâce au travail de la Mechanical Licensing Collective et un résultat probablement positif sur l’attrait de la décision du Copyright Royalty Board d’augmenter les taux de redevances des services interactifs de diffusion en continu aux États-Unis. « Je crois que, au cours des cinq ou sept prochaines années, nous verrons peut-être un taux de croissance annuel composé de 8 à 15 %, qui nous mènera au niveau qu’il aurait dû atteindre avant le lancement des services numériques. »
Néanmoins, Wixen est préoccupé par le nombre croissant d’auteurs-compositeurs qui vendent les droits d’édition de leurs chansons pendant la crise de COVID-19. « J’ai l’impression que bon nombre de ces compositeurs se font avoir par des fonds spéculatifs ou des véhicules de financement extraterritoriaux, alors que leurs catalogues vaudront deux fois plus dans cinq ans, confie-t-il. » Et si la pandémie a bouleversé l’industrie, elle a également donné la chance à des éditeurs comme Wixen de rafraîchir leur répertoire.
« Nous avons travaillé, avec des catalogues patrimoniaux depuis longtemps, comme celui de The Beach Boys et Jefferson Airplane. « En plus de ces actes classiques, il y a beaucoup d’écrivains contemporains incroyables avec lesquels nous aimerions travailler et nous aimerions avoir l’occasion de leur prouver combien ils pourraient gagner et à quel point leurs chansons pourraient être meilleures protégé»
En plus de sa carrière dans l’édition musicale, Wixen a écrit The Plain and Simple Guide to Music Publishing, considéré comme l’un des meilleurs guides actuels sur l’édition musicale moderne.
Il a donné des conférences à diverses universités, facultés de droit, colloques et pour des groupes commerciaux de l’industrie. Il est membre votant (ingénieurs /producteurs) de l’Académie nationale des arts et des sciences de l’enregistrement (NARAS).
Lorsqu’il ne milite pas pour les droits des auteurs-compositeurs, Wixen planche sur son deuxième livre : ses mémoires. « Mes fils passent leur temps à me dire que je devrais écrire les histoires à propos de mon entreprise de musique qui me sont arrivées, s’esclaffe-t-il. Comme la fois où Charles Manson, qui était en prison, m’a appelé pour me parler de la chanson Never Learn Not To Love ou celle où je me suis fait engueuler par Donald Trump parce que Neil Young n’avait pas voulu jouer à la grande ouverture de l’un de ses casinos. »
Wixen habite en Californie avec sa femme, Sharon Maroko Wixen, l’un des quatre propriétaires de l’entreprise.
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