par Jon Dekel
Bien avant d’être une figure de proue dans l’ascension internationale du hip-hop et de la musique dance, Patrick Moxey battait déjà la mesure. Dans les années 1980, étudiant à l’Université de Chicago et DJ en herbe, Moxey plonge dans la scène house de la ville, en émergence. Il s’installe par la suite dans la Grosse Pomme pour poursuivre des études de deuxième cycle en cinéma à l’Université de New York. Fort de sa mentalité avant-gardiste, il organise des fêtes légendaires qui attirent célébrités et habitués.
Vers la fin de la décennie, Moxey ouvre sa première maison de disques, Payday Records. Son talent pour repérer de futures grandes vedettes du hip-hop fait sa renommée. Il met sous contrat, entre autres, Jay Z et Mos Def. Il occupe par la suite le poste de premier vice-président, Artistes et répertoire (A et R), chez Virgin Records America d’EMI; il ajoutera N.E.R.D, Kelis et Beenie Man au répertoire. Cependant, lorsqu’il souhaite ouvrir la voie à des artistes dance et électronique en émergence, ses collègues lui rétorquent qu’il peut développer ce segment, mais à l’extérieur de la société.
Déçu par ce manque de vision, Moxey ouvre Ultra Records en 1996; 25 ans plus tard, la maison de disques est devenue un géant de la musique pop et dance électronique. En 2018, les artistes du catalogue d’Ultra cumulaient 13 disques de platine et 17 disques d’or aux États-Unis, 19 disques de platine et 15 disques d’or au Canada et 5 disques de diamant, 64 disques de platine et 50 disques d’or à l’échelle internationale. Par ailleurs, Ultra International Music Publishing (UIMP), qui se consacre à l’édition, administre des pistes de super-vedettes comme Drake, Kanye West, Eminem, Future, Madonna, Rihanna, Katy Perry et James Arthur.
En entrevue Zoom depuis les bureaux londoniens d’Ultra Publishing (l’entreprise possède aussi des bureaux à New York et à Los Angeles, en plus de mener des activités affiliées au Canada, en France, en Allemagne, en Suède, en Russie, en Italie et dans quelques pays d’Asie), Moxey revient sur le lancement d’Ultra et sur le parcours qui l’a mené à devenir l’un des éditeurs de musique indépendants les plus influents du monde :
« Nous faisions beaucoup de compilations. Mais, plus j’étais attiré par le processus d’enregistrement comme tel, mieux je comprenais la dynamique d’une chanson, ce qu’un auteur-compositeur de talent apporte à une piste, en particulier un morceau dance, électronique ou hip-hop, pour y donner vie. J’ai commencé à réaliser que la chanson — la composition et la mélodie — était réellement ce qui faisait passer les éléments rythmiques à un niveau supérieur. C’est fascinant. »
Et, comme il l’avait fait pour la musique house et le hip-hop, Moxey applique cette révélation au marché de masse et lance Ultra Publishing en 2001.
Repensant aux 20 ans d’UIMP, Moxey affirme qu’il est fier de la « croissance très organique » de l’entreprise.
« C’est un petit éditeur autofinancé qui a grandi de façon organique et qui administre maintenant plus de 30 000 chansons. »
À l’image des maisons d’édition classiques comme Brill Building et Jobete, de Motown, UIMP possède des studios à Los Angeles, à Londres et à Stockholm, où elle encourage ses artistes à se réunir pour créer. Ces rassemblements ont donné lieu à de grands succès comme First Time, deKygo, écrite par le Canadien Jenson Vaughan dans le cadre d’un camp d’auteurs-compositeurs à Stockholm.
« La musique, c’est avant tout les gens et la culture créative. Nous travaillons en étroite collaboration avec nos auteurs-compositeurs pour les aider à créer. J’interpelle souvent le service d’A et R : je dis aux membres de l’équipe que ce sont les chefs qui cuisinent les chansons et que, plus la qualité des ingrédients est élevée, plus il y a de chances que le soufflé lève. Nous contribuons à créer énormément de valeur d’une façon que les grandes entreprises ont oubliée, selon moi. Pour elles, l’édition n’est qu’une feuille de calcul, alors que, pour nous, c’est exactement le contraire : c’est une dynamique qui vise à réunir des gens, à organiser des camps et à créer tous ensemble. »
Interrogé sur l’avenir de l’édition musicale, Moxey mentionne que, compte tenu de la prolifération du contenu numérique, de la diversification du paysage des processeurs de signal numérique et des possibilités accrues de synchronisation dans des bandes-annonces, il estime que l’horizon brille pour le secteur. Il précise toutefois : « Nous devons nous assurer que les auteurs-compositeurs et les éditeurs obtiennent leur juste part. »
À ce sujet, Moxey confie qu’il a adoré travaillé avec la CMRRA.
« La CMRRA est nos yeux et nos oreilles sur le terrain au Canada. C’est formidable de voir l’équipe de la CMRRA travailler main dans la main avec l’équipe canadienne d’Ultra Publishing, Andreas Rizek et Awesome Awan. Nous sommes en communication constante. C’est un très, très bon partenariat, durable. La CMRRA est en tête de liste de toutes les sociétés avec lesquelles nous travaillons dans le monde. »
Note de la rédaction :
Nous avons demandé à Patrick Moxey quelle chanson avait eu le plus d’écho dans sa vie. Nommant Life on Mars de David Bowie, il explique :
« C’est mon artiste préféré de tous les temps. J’ai habité Berlin pendant un an en 1982, et j’ai eu la chance de le voir en concert. Il venait de sortir sa trilogie berlinoise (les albums Low, Heroes et Lodger), vraiment déprimante. Ça a été mon plus grand bonheur de le voir en concert, puis de visiter les studios Hansa, où il a enregistré Heroes. Sa musique me parle encore beaucoup. »
#dINFLUENCE Les éditeurs sont au cœur de l’industrie de la musique. En 2021, nous présenterons 11 d’entre eux. Nous parlerons aussi de chansons. Nous sommes conscients qu’il n’existe pas de mesure universelle pour quantifier le succès d’une chanson; c’est pourquoi nous aborderons toutes les façons inimaginables de quantifier leur influence — des chansons qui ont déclenché des révolutions, lancé des mouvements, été catalyseuses de changements, donné naissance à des histoires d’amour ou qui ont tout simplement été une source d’inspiration.
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