Ce mois-ci, au tour de Noah Evans, préposé aux licences et redevances, d’être à l’honneur. Ses tâches au quotidien consistent à traiter les demandes de licences pour les produits physiques ainsi que les redevances mécaniques correspondantes, en veillant à ce qu’elles soient dûment payées aux éditeurs, aux auteures-compositrices et auteurs-compositeurs. En dehors du travail, Noah est un collectionneur de disques passionné, à l’image de son père, et il raconte un souvenir précieux, celui de la découverte d’une première édition de Let It Be des Beatles.
Pouvez-vous nous décrire une journée type de votre travail en tant que préposé aux licences et aux redevances à la CMRRA ?
Mon travail quotidien consiste à identifier correctement les œuvres musicales utilisées sur les produits sous licence de la CMRRA et à veiller à ce que les informations relatives à l’auteur-compositeur ou l’auteure-compositrice et à l’éditeur soient tenues à jour dans notre système. Dans le travail que je fais, je suis à même de constater la résurgence du vinyle : étant membre de l’équipe chargée des licences mécaniques, je délivre des licences pour de nombreux disques et coffrets en vinyle ainsi que pour des EP, des CD et même des cassettes. J’aime faire ma part, si infime soit-elle, pour que les auteures-compositrices et auteurs-compositeurs reçoivent ce qui leur est dû, et je me suis particulièrement investi dans l’examen des clauses de composition contrôlée dans les ententes avec les artistes pour veiller à ce que les taux de redevance soient fixés adéquatement. À la composante « licences » de mon travail s’ajoute le traitement trimestriel des redevances des grandes maisons de disques.
Vous détenez un baccalauréat en sciences humaines de l’Université Queen’s et un certificat en administration des affaires musicales du Humber College. Qu’est-ce qui vous a incité à poursuivre une carrière dans l’industrie de la musique ?
Ma trajectoire vers l’industrie musicale a commencé pendant une période de transition de ma vie. Pendant la pandémie, je me suis senti, comme tant d’autres, sans gouvernail et à la dérive. J’étais à un tournant de ma vie et de ma carrière, et, en dépit des nombreuses possibilités qui s’offraient à moi, j’avais l’impression de m’enliser dans l’indécision.
De confinement en confinement, j’étais de plus en plus découragé et je tournais en rond, ce qui m’a amené à faire de longues promenades dans tout Toronto. Mon téléphone m’accompagnait au cours de ces promenades, ce qui signifiait bien sûr que la musique était toujours présente. Alors que je me promenais, réfléchissant à ce que je devais faire de ma vie à cette étape apparemment critique, la musique a été une grande source de réconfort, une découverte que je n’avais jamais faite avant la pandémie. La musique me réconfortait de toutes les manières possibles, qu’il s’agisse d’une voix amicale qui partageait mes incertitudes et mes craintes, une voix qui faisait écho à mes frustrations, ou simplement de belles instrumentations qui me permettaient d’oublier mes soucis pendant quelques minutes. Plus j’ajoutais de groupes et d’artistes à ma bibliothèque, plus je me rendais compte de la place prépondérante que la musique avait prise dans ma vie, et à quel point je ne pouvais m’imaginer (ou imaginer ma vie) sans cela.
Après mûre réflexion, j’en suis finalement arrivé à la conclusion qu’il fallait que je construise ma carrière autour de quelque chose qui résonnait en moi, et la réponse était la musique. J’ai toujours été intéressé par les rouages de l’industrie musicale, mais je n’ai jamais su comment m’engager dans cette voie. Un jour fatidique, alors que le doute menaçait de me submerger, j’ai commencé à chercher des programmes universitaires, tout ce qui pouvait soulager mon anxiété, même si c’était en vain. À ma grande surprise, le Collège Humber proposait un programme d’administration musicale qui semblait dispenser une formation sur tous les sujets de l’industrie musicale qui m’intéressaient. Après avoir étudié en profondeur plusieurs aspects de l’industrie, j’ai réalisé ce qui me passionnait le plus : la gestion des droits, les redevances et le travail accompli par les organismes de gestion collective. J’avais des amis dans des groupes qui jonglaient pour joindre les deux bouts, voire gagner de l’argent avec leur musique, et l’idée d’une rémunération équitable m’a vraiment interpellé.
Quel a été le déclencheur de votre passion pour la collection de disques vinyle, et pourriez-vous nous raconter une anecdote mémorable sur l’un des disques de votre collection ?
En bref, mon père est la principale raison pour laquelle je collectionne les disques vinyle. La maison où j’ai grandi était remplie de musique. Mon père faisait jouer des disques, des cassettes, des CD, peu importe le format, la musique était toujours présente, tout comme l’air que l’on respire. On pourrait dire que mon amour pour les vinyles a commencé lorsque, à l’âge de 3 ans, j’ai brisé l’exemplaire de Bringing It All Back Home de Bob Dylan, qui appartenait à mon père (à la grande surprise de ce dernier).
J’ai commencé ma collection au secondaire avec Led Zeppelin, Pink Floyd, Rush et d’autres groupes de rock classique. À cette époque, le vinyle n’avait pas encore fait son retour et tous les disques étaient d’occasion et ceux que l’on avait la chance de trouver en magasin étaient aléatoires (ce qui est très différent d’aujourd’hui, où on peut acheter plusieurs copies de n’importe quel disque sous emballage plastique, brillant et neuf). Ces quelque 20 premiers disques ont été tellement importants pour moi. Non seulement ils étaient à moi, mais ils avaient aussi vécu une vie, passant d’un propriétaire à un autre au fil du temps, vraisemblablement jusqu’à ce qu’ils arrivent en ma possession. Bien que les bibliothèques numériques soient illimitées et pratiques en plus de me permettre de découvrir de nombreux artistes différents, le plaisir de rechercher des disques avec un budget restreint et de constituer ma collection est unique. Au fil du temps, ma collection s’est enrichie de musique de nombreux genres et décennies, et même, si j’ai un peu ralenti ces dernières années, il est toujours intéressant de regarder mes piles de disques pour voir ce que j’ai et ce qui n’a pas passé la rampe.
L’un de mes plus beaux souvenirs de collectionneur est d’avoir déniché au Dixie Record Show une première édition de Let It Be des Beatles, la version avec une pochette et des photos supplémentaires. Je ne crois pas que le vendeur était conscient de ce qu’il avait entre les mains, car je l’ai acheté pour une bouchée de pain, surtout qu’il s’agit de mon album préféré des Beatles.
Quels sont vos trois albums préférés et quel album introuvable cherchez-vous encore à ajouter à votre collection ?
Ah, c’est une question que tous les collectionneurs redoutent d’entendre et qui m’incite à me poser des questions : « Quels sont les trois disques qui me viennent à l’esprit aujourd’hui ? », « Dois-je choisir mes disques les plus joués ? », « Est-ce que j’en choisis trois qui symbolisent différentes facettes de mes goûts musicaux… ou dois-je me concentrer sur un style particulier ? ». Même si je devais sélectionner quinze disques, je serais encore indécis, et encore plus si je dois n’en choisir que trois. Aujourd’hui, cependant, je trouve judicieux d’inclure trois albums qui me rappellent pourquoi j’aime la musique. Ces trois-là, en fin de compte, donnent l’impression que la vie est belle, surtout lorsqu’ils sont écoutés par une journée d’été ensoleillée ou une soirée d’été méditative.
Stereolab — Dots and Loops. Cet album « lounge » français est à la fois rétro et moderne. Il constitue une grande rencontre entre des sons analogiques et numériques, qui sont à la fois légers, abstraits et mélancoliques.
DJ Shadow—Endtroducing… Composé presque entièrement d’échantillons de vieux disques de soul et de funk, Endtroducing est une sorte de monstre musical fait à partir d’autres musiques. Cependant, la mosaïque d’échantillons disparates débouche sur quelque chose de plus profond qui émerge lorsque l’auditeur s’interroge sur la nature de l’héritage et de la musique elle-même.
King Gizzard & the Lizard Wizard — Quarters ! Une collection de quatre pièces musicales, d’une durée totale de 10 min 10 s. Vous faites le lien ? Quarters. Cette collection est remplie de musique jazz, groovy, psychédélique, qui laisse de l’espace pour respirer et qui se déroule graduellement, comme les méandres d’une rivière tranquille.
Quant au disque « difficile à trouver » que j’aimerais ajouter à ma collection, la seule réponse possible, c’est Live ’84 de Black Flag. Mon album « heavy » préféré de tous les temps, Live ’84, est la baleine blanche de ma collection. Plein de lignes de guitare enchevêtrées, de drums tonitruants sans compter la rage inimitable d’Henry Rollins, Live ’84 saisit Black Flag à l’apogée de sa dernière période, alors que les frontières entre le punk et le métal commençaient tout juste à être floues. Malheureusement pour moi, ce disque n’était offert que sur cassette à sa sortie et n’a été réédité qu’en CD depuis. Cependant, dans l’esprit du mouvement punk, cet album a été piraté en vinyle pendant des années (ce qui est ironique, compte tenu de mes fonctions dans l’équipe chargée des licences mécaniques). Les copies se vendent à des prix bien au-dessus de mes moyens. Aujourd’hui encore, je visite toujours le rayon Black Flag chez les disquaires locaux, avec une chance sur un million qu’il s’y trouve. Mais un jour, je mettrai la main dessus. Alors, je suis certain que la seule question qui me viendra en tête sera : « Quelle sera ma prochaine acquisition ? »
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