par Tabassum Siddiqui
Depuis les 20 dernières années, David « Click » Cox est un pilier de l’industrie de la musique canadienne. Il a commencé comme artiste lui-même, puis est passé par la vente au détail, le marketing, la direction artistique et la gérance — tout en veillant à assurer une meilleure représentation des artistes et des professionnels noirs dans le secteur de la musique.
Cox précise qu’il a attrapé le virus de la musique très tôt, en partie grâce à sa mère mélomane et au fait qu’il faisait partie d’un groupe de musique à l’école. Mais son entrée dans le monde de la musique s’est faite lorsqu’il s’est joint à l’un des groupes de rap canadiens pionniers des années 1990, The Maximum Definitive, mis en nomination pour un prix Juno. Ce groupe comprenait également l’artiste Roger Mooking, qui a ensuite joint les rangs du populaire trio soul et R&B des années 1990, Bass is Base.
« J’ai déménagé à Toronto en raison du succès du groupe — j’étais originaire d’Edmonton et il fallait aller là où ça se passait, se souvient Cox. Il est arrivé un moment où j’ai voulu travailler pour des maisons de disques, surtout parce que je gérais des groupes dans les années 1990 et que je produisais moi-même des disques indépendants. Il y a eu beaucoup d’essais et d’erreurs, et je sentais que j’avais besoin d’un peu plus de connaissances pour apprendre les rouages de l’industrie. »
Tout en tentant de percer dans l’industrie, Cox fréquente le Harris Institute pour en apprendre davantage sur l’aspect commercial de la musique, tout en rejoignant Ramos Entertainment Management Group (REMG), dirigé par Jonathan Ramos, un vétéran de l’industrie torontoise, qu’il considère comme l’un de ses premiers mentors.
« Quand je travaillais pour REMG, j’avais acquis une certaine réputation de “grande gueule”, dit Cox en riant. Vous savez, quelqu’un qui pouvait faire passer le message — je me rendais constamment à des spectacles et à des stations de radio pour promouvoir les spectacles de REMG. C’est parce que j’étais vraiment branché sur la communauté, particulièrement sur le milieu du hip-hop. »
Reconnaître le pouvoir de l’engagement — établir des relations au sein de l’industrie en partageant son enthousiasme pour la musique et les musiciens, qui, selon lui, auront une influence — est rapidement devenu l’arme secrète de Cox. Bientôt, l’industrie a frappé à sa porte quand BMG Music Canada l’a recruté pour faire du marketing après avoir vu le travail qu’il faisait pour REMG. Par la suite, il a obtenu le poste qui l’intéressait depuis longtemps, soit celui de directeur artistique (A&R) chez Universal Music Canada.
« Lorsque j’ai obtenu le poste que je convoitais, cela m’a donné une perspective à une autre échelle, parce qu’on a alors affaire à des gérants, des maisons de disques et des artistes sur une base régulière », explique-t-il.
Travailler dans le domaine de la direction artistique correspondait parfaitement à la passion de Cox pour découvrir et développer de nouveaux talents. Il a soutenu notamment la reine torontoise du R&B, Jully Black, au début de sa carrière.
« C’était une expérience incroyable, car je me souviens d’avoir vu Jully Black se produire dans toute la ville avant même qu’elle soit engagée quelque part. J’ai toujours été une personne-ressource pour défendre les artistes dès le départ, fait-il remarquer. J’arrive à voir le talent brut et à entrevoir le potentiel de ce qu’ils pourraient devenir. C’est une force, mais aussi un peu un défi, car je vois parfois quelque chose que d’autres ne voient pas. »
Après huit ans chez Universal, Cox lance sa propre société de gestion et de conseil en musique, CLK Creative Works. Le mandat de l’entreprise, qui vise à protéger les créateurs et créatrices et à les rémunérer adéquatement, est conforme à l’engagement de longue date de Cox envers les artistes, les communautés et les musiques sous-représentés.
« L’industrie de la musique ne travaille pas toujours dans le respect de l’équité et de l’éthique, souligne M. Cox. C’est donc le travail du gérant de s’assurer que les artistes sont bien outillés pour qu’on ne les exploite pas. Pour ma part, parce que j’ai commencé comme artiste, je place toujours les intentions de l’artiste en premier. »
Une part de cette responsabilité s’inscrit dans l’engagement de longue date de M. Cox auprès d’organismes de l’industrie tels que la CMRRA, qui veille à ce que les auteurs-compositeurs soient équitablement rémunérés pour l’utilisation de leur musique.
« C’était formidable d’être consultant pour la CMRRA il y a quelques années (Cox a animé un atelier « Show Me the Money » de la CMRRA et a donné des conseils aux auteurs-compositeurs et aux éditeurs pour naviguer dans les droits musicaux et les redevances). Je tiens à m’assurer que notre industrie est au courant de tous les organismes qui existent pour aider les artistes et les auteurs-compositeurs, et je tiens particulièrement à ce que les artistes et les communautés marginalisés soient bien au fait de ces ressources », explique Cox.
« La sensibilisation et l’engagement sont vraiment essentiels — on suppose parfois que, parce que les organismes existent depuis longtemps, les gens les trouveront facilement ou les connaîtront déjà. Mais beaucoup de personnes de ces communautés ne le savent pas. En tant que gérant et mentor, je m’assure qu’elles connaissent les différentes ressources dont elles peuvent bénéficier. »
M. Cox souligne le succès d’édition d’une de ses clientes de longue date, la « blues-rockeuse » torontoise SATE, « qui écrit ses propres chansons et en contrôle la propriété, note-t-il. Nous sommes très actifs dans la diffusion de sa musique et nous avons eu beaucoup de succès dans le domaine de la synchronisation pour la télévision et le cinéma. Tout est une question de relations — c’est ainsi que les choses se passent, lorsque vous vous assurez de communiquer avec les gens et d’établir de bonnes relations. »
Au cours de sa brillante carrière, Cox a joué un rôle essentiel pour favoriser une plus grande représentation des Noirs dans l’industrie, autant en ce qui touche la création que les affaires. En plus de collaborer avec des groupes comme ADVANCE, le collectif canadien de musique noire, il a également cofondé Breaking Down Racial Barriers pour promouvoir des pratiques plus équitables dans le secteur de la musique au Canada.
« Les changements se produisent étape par étape. Les maisons de disques embauchent des Noirs et les forment, tout en cherchant différents moyens de se diversifier et de créer des espaces plus équitables, affirme M. Cox. Mais, dans de nombreux secteurs de l’industrie, il y a encore un manque de diversité. Un plus grand nombre d’entreprises doivent admettre qu’il faut commencer quelque part pour arriver à quelque chose — et elles doivent être conscientes de l’importance de l’engagement et de la sensibilisation. Il faut mettre sur pied davantage de programmes visant à informer les personnes racisées des différentes possibilités qui existent, y compris dans l’industrie, au-delà du rôle d’artiste, de gérant ou de responsable de label », ajoute-t-il.
« Lorsque j’ai commencé à travailler dans l’industrie, c’était vraiment difficile. Les seules personnes que je connaissais dans tous les échelons de l’industrie et qui me ressemblaient ou qui appartenaient à ma communauté n’avaient pas de mentors eux-mêmes. Je me souviens leur avoir posé beaucoup de questions. Nous pourrions faire du bien meilleur travail — il pourrait y avoir beaucoup plus de Noirs et d’autres personnes racisées accédant à des postes supérieurs pouvant servir de modèles et de sources d’inspiration pour la prochaine génération. »
Au lieu de se sentir frustré par la lenteur des progrès, Cox met à profit son influence et sa perspective en tant que vieux routier de l’industrie pour contribuer au changement.
« Je me tourne davantage vers l’avenir — je veux trouver un moyen de dépasser le fait que l’industrie court toujours après la nouveauté. Je pense que cela nous fait plus de mal que de bien parfois, et que cela écarte ce qui a été fait auparavant », dit Cox. « Quand il s’agit de l’histoire de la musique noire dans ce pays, on oublie nombre d’artistes qui ont fait beaucoup de choses importantes et réussies. Mais, parce que vous n’en avez peut-être pas entendu parler pendant de nombreuses années, leurs contributions sont méconnues de la génération actuelle. J’aimerais que ces succès soient célébrés régulièrement afin que nous n’oubliions jamais ce que les autres ont fait », conclut-il.
« Et nous ne devons pas nous contenter d’un mois de février pour le faire — cela devrait être une activité continue. Je suis partisan de favoriser la représentation à tous les niveaux et en tout temps. »
Pour en savoir plus sur Breaking Down Racial Barriers, voir le site bdrb.ca