par Isabelle Speerin
Enfant, lorsqu’il jouait au piano les chansons les plus populaires de Disney, Peter Jansson n’aurait jamais imaginé qu’il ferait un jour partie de l’équipe de direction de Disney Music Publishing. « J’aimais tellement ces chansons, confie-t-il. Je les mémorisais à l’envers et, à la fin de chaque séance de répétition, ma mère me demandait toujours de jouer Feed the Birds de Mary Poppins. »
Jansson a grandi à Wollongong, une ville côtière bordée de magnifiques plages située juste au sud de Sydney. Fasciné dès son plus jeune âge par le piano de sa grand-tante, qu’elle lui a par la suite légué, il commence des leçons dès l’âge de cinq ans. « Personne n’avait à me mettre de pression pour que je répète, j’adorais jouer du piano, poursuit-il. J’étais captivé par la musique et c’est toute ma vie depuis cet âge. »
Jansson étudie pendant 12 ans la musique classique au Conservatoire de musique de Sydney, l’une des plus anciennes et des plus prestigieuses écoles de musique d’Australie. En plus du piano, Jansson apprend chaque année un instrument différent (cuivre, bois, cordes) pour avoir une meilleure vision d’ensemble de l’orchestre.
Parallèlement à son baccalauréat en musique, il étudie le droit à l’Université de Sydney, mais décide de ne pas passer son Barreau, sachant qu’il n’exercerait jamais ce métier.
La musique classique fait rapidement place au rock’n’roll. Après l’obtention de son diplôme, Jansson joue du clavier dans de petits bars et des stades au sein de plusieurs groupes australiens. « Je n’aimais pas beaucoup la scène, avoue-t-il. Je me suis donc dirigé vers le travail en studio, car j’étais bon au piano et au clavier. J’ai commencé à avoir beaucoup de boulot en studio. »
Au début des années 1980, Festival Music Publishing, le plus important éditeur de musique indépendant d’Australie, invite Jansson à se joindre à son équipe. « J’ai plongé tête première dans l’édition musicale, un univers où on me demandait de trouver des auteurs, des groupes et des artistes. C’est comme ça que je suis tombé dans la marmite. »
Jansson tisse rapidement des liens avec bon nombre d’auteurs-compositeurs et d’artistes bien connus. Il attire ainsi l’attention d’EMI Music Publishing, qui lui offre un poste de directeur créatif en 1984.
Il prend ensuite part au programme d’échange de cadres d’EMI, dont il sera l’un des premiers participants. Pendant les 12 années suivantes, il vivra et travaillera à Tokyo, à Hambourg, à Paris, à Londres, à Los Angeles, à Nashville et à New York.
À la vente d’EMI, Jansson retourne en Australie et crée une coentreprise avec PolyGram Music pour lancer sa propre société d’édition : Janssongs Inc. « En dirigeant ma propre entreprise, j’ai beaucoup appris sur les différentes sources de revenus, comme les licences de synchronisation, que je n’avais jamais vraiment considérées comme des sources de revenus importantes à cette époque. »
En 1996, Jansson déménage ses activités à Los Angeles et établit un répertoire remarquable, qui comprend des auteurs et des producteurs récipiendaires de prix Grammy. En 2004, il vend la société à un groupe d’investissement new-yorkais.
La même année, il crée une coentreprise avec le gouvernement chinois en vue de mettre sur pied la toute première société musicale légitime de Chine continentale, China Music Management, qui compte dans son répertoire près de deux millions de droits d’auteur qui couvrent 5 000 années d’histoire musicale chinoise.
Jansson entre au service de Disney Music Publishing en 2016 en tant que directeur principal de l’édition musicale internationale. Il est alors chargé de la protection et de l’application des droits mondiaux, ainsi que de la perception des revenus de tous les types pour le catalogue mondial de Disney Music Publishing.
« Tous les jours, je traite des demandes d’utilisation, d’échantillonnage et d’arrangement de nos chansons qui proviennent de partout dans le monde, raconte-t-il. Je m’occupe également des litiges dans lesquels une personne revendique erronément une chanson de Disney. »
Établi à Burbank, en Californie, le Disney Music Group (DMG) rassemble les différentes maisons de disques de Disney, dont Hollywood Records, Walt Disney Records, Disney Music Publishing et Disney Concerts. Le groupe compte 240 employés répartis dans différents pays du monde.
« Disney est unique en son genre, indique Jansson. Ce n’est pas seulement un éditeur; c’est une maison de disques, un studio de cinéma, un réseau de radiodiffusion, un parc d’attractions, un croisiériste, un centre de villégiature, un producteur de théâtre [Roi Lion, Aladdin, Frozen], un réseau multinational de chaînes sportives [ESPN] et, maintenant, un fournisseur de services numériques [Disney+ et Hulu]. Aucun autre groupe du milieu de la musique ne peut en dire autant. »
Cette étendue et cette portée présentent des occasions extraordinaires, mais également des difficultés particulières, dont la traduction du contenu.
« En moyenne, les films de Disney sont traduits en 44 langues. Dans le cas de Frozen, ce fut 54 et, dans le cas de Moana, 56, explique Jansson. Je dois m’assurer que chaque version est enregistrée auprès de toutes les sociétés, partout dans le monde, comme autre titre de la chanson originale, afin que nous puissions tout capter, de YouTube à Facebook. »
La valeur d’une chanson a un sens bien particulier dans le contexte de l’un des catalogues les mieux connus et les plus aimés de la culture populaire, qui comprend des chansons qui ont inspiré d’innombrables films musicaux de Walt Disney. « C’est le modèle de la longue traîne pour Disney, dit Jansson. Les revenus de l’ensemble du catalogue classique, que l’entreprise a commencé à générer dans les années 1940 et 1950, sont encore importants de nos jours. »
« Longue traîne » est une expression souvent utilisée en édition musicale pour faire référence aux produits qui ont un volume de ventes peu élevé, mais qui, collectivement, pourraient avoir une part de marché qui dépasse celle de quelques produits à volume de ventes élevé. Dans le cas de Disney, bon nombre de chansons créées et éditées il y a de nombreuses années génèrent encore des revenus, car elles sont considérées comme des classiques et ont gagné le cœur du grand public.
« Nos chansons les plus récentes de Frozen ou de Moana atteindront un pic, mais elles resteront dans la longue traîne pendant la durée du droit d’auteur. Cela représente un secteur important pour Disney. »
Jansson indique qu’il adore collaborer avec les catalogues de certains des plus grands compositeurs et auteurs-compositeurs — c’est l’aspect qu’il préfère de son travail. Il a même rencontré le héros de son enfance, Richard Sherman. « Mais c’est aussi un bonheur de travailler avec de nouveaux artistes, de les voir prendre leur essor et devenir des auteurs-compositeurs et des interprètes établis. »
Jansson est professeur invité à l’Université de Californie à Los Angeles, où il donne le cours Music Extension. Il est aussi fréquemment invité par de nombreuses associations d’auteurs-compositeurs, émissions de radio et publications imprimées. Il parle couramment le français et l’anglais et habite Los Angeles avec son épouse Kristen, elle aussi pianiste douée.
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