Par Isabelle Spearin
On pourrait dire que Stephen Dallas, vice-président principal aux affaires commerciales et juridiques, et au développement des affaires numériques à l’Universal Music Publishing Group (UMPG), a tout vu. Au cours des 15 dernières années, il a successivement été à la tête des services juridiques des trois plus importants éditeurs de musique du monde. Il a donc été témoin des moments les plus sombres de l’industrie et, dernièrement, de sa renaissance.
Stephen passe son enfance dans le nord de l’État de New York, d’où il rend souvent visite à sa famille élargie, qui habite au Canada. Inspiré par la musique populaire des années 1980, il commence à jouer de la guitare pendant son adolescence. « Je voulais être Eddie Van Halen, mais j’ai réalisé que ce n’était pas aussi facile que ça en avait l’air, ricane-t-il. Personne ne m’avait parlé des ampoules ! J’ai accroché ma guitare peu de temps après, mais je l’ai reprise quand j’étais au collège, et je n’ai plus cessé d’en jouer. Ça me défoule ! »
Après le secondaire, Stephen part étudier à l’Université de Boston en communication et science politique. Il fera ensuite un doctorat en sciences juridiques à l’École de droit de New York. « J’ai commencé à entendre parler de Napster lorsque j’étais en première année de droit, se rappelle-t-il. J’ai donc choisi le droit d’auteur, qui m’intéressait beaucoup, et le droit des contrats, même si je croyais que ce serait la dernière chose qui me plairait. Mais ça a été ma matière préférée. »
Pendant sa deuxième année d’études, Stephen entame un stage au service des affaires juridiques de BMG Entertainment. « L’une de mes premières tâches a été de faire des recherches de fichiers MP3, d’examiner les façons dont ils étaient téléchargés illégalement et d’examiner un type de baladeur, le Rio, de Diamond Multimedia, raconte-t-il. En rétrospective, je peux dire que je suis entré dans l’industrie tout au début de son lent déclin qui la mènera jusqu’à son quasi-effondrement. »
Après l’obtention de son diplôme, Stephen se tourne vers la pratique privée, avant de décrocher un emploi chez EMI Music Publishing, au Service des affaires juridiques et commerciales, en 2006. Il se consacre corps et âme aux contrats de compositeurs, aux acquisitions de catalogues, ainsi qu’aux questions organisationnelles et litigieuses. « Ce furent des années difficiles, confie-t-il. Le piratage était généralisé, Spotify n’était même pas une idée. Mais je peux vous dire que je suis heureux d’avoir fait mes débuts au moment où l’industrie était au plus bas, parce que je l’ai vue revenir et renaître de ses cendres, alors que tout le monde disait depuis des années qu’elle ne s’en remettrait jamais. »
En 2012, Stephen entre au service de Warner Chappell Music pour encadrer la structuration et la négociation des tout premiers contrats, complexes, touchant l’univers numérique, au début de la transformation de l’industrie. « Dès mon entrée en fonction, j’ai tout de suite été appelé à travailler à un important contrat qui visait des services numériques et qui devait être conclu en deux semaines, se remémore-t-il. Je n’ai pas beaucoup dormi, mais ce que j’ai appris pendant ces deux semaines a permis d’établir les fondements des contrats de services numériques à venir. Il fallait juste se rouler les manches et plonger… Une expérience formidable. »
Il y a deux ans, Stephen a traversé le pays pour s’établir à Los Angeles, pour occuper son poste actuel au UMPG.
« Il y a beaucoup d’avantages à travailler pour l’UMPG, notamment celui d’être entouré de professionnels qui sont au sommet de leur art », affirme-t-il, soulignant le talent de ses collègues du monde entier et de la présidente du conseil et chef de la direction du groupe, Jody Gerson, à qui l’on doit le redressement de l’entreprise. Il poursuit : « Jody, comme tous les échelons de l’entreprise, attire les auteurs-compositeurs et les artistes chez UMPG. Elle a créé une culture axée sur l’auteur-compositeur et je crois que le UMPG est un foyer chaleureux pour beaucoup d’auteurs-compositeurs qui sentent que l’on prend soin de leur talent créatif et de leurs affaires tout en en assurant la promotion. »
Le répertoire de l’UMPG parle de lui-même. Il comprend certains des auteurs-compositeurs et des catalogues les plus acclamés partout dans le monde, notamment Adele, Billie Eilish, Justin Bieber, Nicki Minaj, Shania Twain, Dua Lipa, Taylor Swift, Eminem, Pearl Jam, Ariana Grande, Britney Spears, Justin Timberlake, U2, Bruce Springsteen, Selena Gomez, Paul Simon, Metallica, Alicia Keys, Elton John/Bernie Taupin et Billy Joel.
Interrogé sur la valeur d’une chanson, Stephen répond qu’elle est immense et impossible à quantifier : « Évidemment, on peut faire des calculs et suivre les différentes formes de revenus qu’une chanson gagne dans différents territoires. Mais, pour moi, la valeur d’une chanson, c’est la joie, la douleur, le bonheur, le chagrin, l’action, l’inaction, la connexion. C’est l’entrain retrouvé, la berceuse qui nous amène au pays des rêves, l’envie de sauter sur la piste de danse, et toutes les autres émotions et les souvenirs qu’une chanson suscite. Il n’y a rien d’autre, selon moi, qui concentre tous ces pouvoirs en une seule personne. »
Sa détermination indéfectible à ce que les auteurs-compositeurs de l’UMPG obtiennent la juste valeur pour leurs chansons est à la base de son travail auprès des fournisseurs de services numériques. « Nous voulons que ces services aient du succès, mais nous voulons aussi que nos auteurs-compositeurs aient du succès, car, sans eux et sans leurs chansons, il n’y a évidemment pas de services », souligne-t-il.
Dans sa position, à la croisée de la technologie et de la musique, Stephen bénéficie d’un point de vue unique sur les tendances émergentes : « Le marché numérique est en effervescence. Nous commençons à voir des services audio autonomes qui ajoutent différents éléments comme des balados, des vidéos courtes, des services de billetterie et des produits dérivés. Ces plateformes se diversifient. »
Autre tendance, on demande de plus en plus l’établissement d’un guichet unique pour l’obtention de licences du côté numérique, un peu comme le font les maisons de disques. « Les éditeurs et les titulaires de droits ont maintenant un regard holistique sur le monde, puisque nos partenaires mènent leurs activités à l’échelle planétaire, et non seulement dans un seul territoire, indique Stephen. Les gens veulent que nous simplifiions les choses, donc, nous testons de nouveaux modèles d’octroi de licences pour donner davantage de droits à partir d’un seul point. »
Stephen supervise la majorité des activités canadiennes dd l’UMPG. Il est membre du Comité d’éditeurs canadiens et du conseil d’administration d’Éditeurs de musique au Canada. Il fait également partie du groupe d’expert du Music Licensing Collective (MLC) aux États-Unis, qui étudie actuellement l’administration des licences volontaires conformément à la Music Modernization Act.
« L’octroi de licences aux États-Unis sera radicalement transformé, explique-t-il. Lorsque le MLC sera opérationnelle l’an prochain, il sera intéressant d’observer la façon dont il changera le marché de l’octroi de licences. Nous suivons la situation de près. »
Stephen habite Los Angeles avec sa femme et ses deux jeunes enfants. Il est à reconstituer sa collection de vinyles composée de ses albums préférés des années 1980 à 2000.
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