Craig Horton, membre du conseil d’administration de la CMRRA, a son premier déclic dans la jeune vingtaine, assis derrière une batterie. À cette époque, ce batteur talentueux d’Ottawa joue avec un groupe pop-rock à Kingston.
« Nous donnions un concert dans la grande salle d’une université, devant un bon millier de jeunes buvant de la bière et s’amusant. J’étais assis là, et je me suis dit, wow, quelqu’un doit faire beaucoup d’argent ici, et ce n’est pas moi », se rappelle Horton.
Ce moment charnière le pousse à s’inscrire au programme Music Industry Arts du Fanshawe College, le seul du genre au Canada à la fin des années soixante-dix.
« Je me suis vite rendu compte que je ne voulais pas être ingénieur du son ou producteur de disques, mais que j’aimais vraiment beaucoup les cours sur les affaires à Fanshawe. J’ai donc décidé de poursuivre mes études en sciences économiques à la Western University. »
Quelques années plus tard, Horton déménage sur la côte ouest du Canada pour l’été et, dès la première semaine de son arrivée, il demande conseil sur son cheminement professionnel à Lynne Partridge, du bureau local de la Société de droits d’exécution du Canada (PROCAN).
Cette rencontre fortuite lui permet de décrocher presque aussitôt un emploi de rêve : voyager dans trois provinces de l’Ouest du Canada et les territoires du Nord pour parler de l’industrie de la musique aux auteurs-compositeurs.
« Lynne Partridge a été une grande mentore, se souvient-il. Elle m’a appris tant de choses sur l’industrie de la musique, mais également sur la logique et le sens des affaires, ainsi que sur la façon de traiter les gens. »
Horton travaille avec l’équipe de la PROCAN de Vancouver pendant quatre ans avant de lancer Horton Music Publishing, une société d’édition musicale indépendante qu’il dirigera pendant 12 ans.
En 2004, alors en plein questionnement sur sa carrière pendant ses vacances en Thaïlande, il se fait offrir un poste d’administrateur d’édition par Nettwerk Music Group.
« À l’époque, Nettwerk affichait un tout petit catalogue, qui contenait surtout des titres acquis parce que leur compositeur avait également signé un contrat avec l’entreprise comme artiste de studio d’enregistrement », raconte Horton.
Douze ans plus tard, l’homme d’affaires fait désormais partie intégrante de l’équipe Nettwerk à titre de directeur de l’administration des activités commerciales et des redevances.
« Cependant, mon bagage de connaissances ne se limitait pas à l’administration d’édition et, au fil du temps, j’ai fini par travailler également dans le domaine de l’octroi de licences de droits de reproduction mécanique pour la maison de disque, dit-il. Maintenant, je m’occupe principalement de la gestion des droits. »
Aujourd’hui, Horton peut compter sur une équipe de huit personnes, qui supervisent ensemble l’administration du catalogue en pleine expansion de Nettwerk, qui comprend 30 000 titres protégés par des droits d’auteur, dont Super Furry Animals, Teenage Fanclub, 10,000 Maniacs, le catalogue de jazz Justin Time et le catalogue complet de la bande sonore de jeux d’Electronic Arts.
La société dispose également d’un éventail diversifié de talentueux auteurs-compositeurs canadiens et étrangers, comme Sinéad O’Connor, William Fitzsimmons, Ria Mae, The Pack A.D., Ladytron, Great Lake Swimmers, Hey Ocean!, Chromeo, Airbourne, Neil Mason, Banners, Gojira, Royal Canoe, Trivium, Willa, MF Doom et Peter Murphy du groupe Bauhaus.
Nettwerk Music Group occupe une place inhabituelle dans le paysage canadien de l’édition musicale, car c’est l’une des rares entités musicales entièrement originaires du Canada.
« Nous nous trouvons dans cet espace intermédiaire entre les multinationales et les entreprises canadiennes, et notre petite taille nous permet d’accorder aux gens toute notre attention », explique Horton.
Installée à Vancouver, Nettwerk jouit d’une présence mondiale : elle possède des bureaux en Allemagne, au Royaume-Uni, à Los Angeles, à Boston, à Nashville et à New York.
« Ce qui nous distingue de la plupart des autres entreprises, c’est notre perspective internationale, dit-il. Nous ne nous contentons pas d’être une simple entreprise canadienne d’édition musicale : nous nous tournons vers tous les marchés. »
Nettwerk se caractérise également par sa capacité à agir prestement et à tirer parti des nouvelles technologies numériques. En fait, l’entreprise est l’une des premières à proposer le téléchargement MP3, et ce, bien avant le lancement d’Apple Music au Canada.
« Certains de nos employés sont constamment à l’affût de la prochaine innovation, dit Horton. Il faut savoir s’entourer de gens tournés vers l’avenir. »
Nettwerk conclut chaque année des contrats avec 15 à 20 nouveaux compositeurs du monde entier, dont le quart sont canadiens, et elle leur fournit notamment des avances financières, du financement démo et de l’aide pour payer le loyer.
« Notre façon de travailler avec de nouveaux compositeurs dépend essentiellement de la relation que nous entretenons avec eux, explique Horton. Il faut comprendre ce qui les motive, ce qu’ils aiment, ce qu’ils peuvent et ne peuvent pas faire, ainsi que les personnes avec lesquelles ils veulent écrire, puis les mettre en contact avec le plus de monde possible. »
À titre de membre du conseil d’administration de la CMRRA depuis 2007, Horton agit comme président du comité des finances et siège au comité de gouvernance. Il siège également aux conseils d’administration de la SOCAN et de la Fondation SOCAN.
« En tant que client, nous nous servons de la CMRRA comme filet de sécurité, dit-il. Nous livrons notre catalogue en toute confiance, sachant que la CMRRA s’occupera de cette paperasse pour nous, fera le plus gros du travail, effectuera la collecte et calculera les redevances à payer. »
Horton croit que la CMRRA prend la bonne décision en élargissant sa base tarifaire pour y inclure les reproductions d’œuvres musicales intégrées au contenu audiovisuel, tout en explorant de nouvelles possibilités d’améliorer son modèle d’affaires.
« La bataille que nous menons, en particulier dans le secteur de l’édition, concerne la façon de gérer et de traiter les données volumineuses, dit-il. D’autres territoires recèlent toutes sortes de possibilités pour qui sait analyser des quantités massives de métadonnées. »
La CMRRA a récemment terminé sa première distribution de redevances pour la musique en ligne à l’aide de son nouveau système d’octroi de licence et de distribution de redevances (LDS) — il s’agit d’une étape importante dans la gestion de données de qualité. Les éditeurs ont maintenant accès à plus d’informations que jamais dans les bases de données de la CMRRA, notamment des champs pour fournir à chaque éditeur ses propres numéros de compte, les numéros des œuvres et les compositeurs associés. Les sommes sont insérées à l’échelle de l’œuvre, de l’éditeur et du dossier afin qu’il soit facile d’effectuer le rapprochement des états avec les paiements. De nouveaux rapports sommaires faciliteront encore davantage ce processus, tout en offrant des ventilations analytiques des redevances à payer selon différentes mesures.
Horton croit aussi fermement en l’importance de la gestion et de la compréhension des données provenant des services en ligne ainsi qu’en la nécessité de payer et de traiter équitablement les auteurs-compositeurs.
« Je suis entièrement pour le paiement des artistes, et les entreprises — qui disposent aujourd’hui de multiples moyens de faire des lancements en utilisant de la musique — ne pensent pas toujours à réserver un peu d’argent pour la payer dans leur modèle d’affaires », ajoute-t-il.
Ce point de vue remonte à ses débuts, lorsqu’il était batteur.
« Je me vois encore assis derrière ma batterie, au cours de ce spectacle à Kingston, me disant que ce concert rapportait sûrement beaucoup, tandis que je ne gagnais presque rien, se rappelle-t-il de façon poignante. Je dois trouver une façon d’obtenir ma juste part. »